Par Claire Guigou, I.MEDIA
Qu’attendez-vous de ce synode?
Nous vivons aux dépens d’autres personnes: tel est le message que nous souhaitons délivrer. Le modèle colonisateur doit être dénoncé car il fait du mal aux personnes et à la planète et nous continuons à le soutenir. Nous devons adopter un nouveau modèle conforme aux attentes des communautés autochtones qui résistent tous les jours au péril de leur vie pour défendre un mode de vie qui ne cadre pas avec le progrès tel que nous le définissons. C’est pourquoi, afin de sortir d’un modèle fondé sur l’abus des individus, une décroissance et une conversion écologique sont nécessaires.
Sur quelles mesures concrètes ce synode peut aboutir pour susciter un tel changement?
L’Eglise doit prendre le risque de s’exprimer quand la vie et la nature sont menacées. Nous espérons sensibiliser les instances européennes sur ces questions. La prise de position de l’Eglise durant ce synode peut y contribuer. Il s’agit de vérifier notamment si les droits des autochtones sont respectés dans les accords commerciaux entre l’Europe et l’Amérique latine. Sur le plan spirituel également, la question du ‘péché écologique’, avancé par un intervenant lors de ce synode, est aussi intéressante.
«Plus les communautés sont isolées, plus les femmes ont un rôle important»
L’Eglise dispose-t-elle d’une voix importante à l’échelle internationale?
Ce qui m’étonne, c’est à quel point les décideurs politiques écoutent l’Eglise et sont à la recherche de connaissances et d’inspirations, tant ils ont soif d’une autre éthique du développement. Acteur social de premier plan, le Saint-Siège a une responsabilité dans la mesure où chaque individu vit de spiritualité. Concrètement, l’Eglise peut inviter à un processus de décolonisation réelle car la colonisation a juste changé de visage. Cela suppose en premier lieu de transformer le regard que nous portons sur l’autre, sur les ressources et sur la maison commune.
Quel est selon vous le thème majeur abordé en assemblée par les Pères synodaux?
La pastorale et les dangers écologiques sont au même plan, mais la question est de savoir quelle problématique est la plus urgente. J’estime pour ma part que l’écologie intégrale peut être concrétisée à travers la pastorale. Dans le même temps, les violences écologiques, d’extractions minières et le danger pour les communautés locales d’être exterminées demeurent le sujet ‘numéro un’.
Faute de prêtre, deux tiers des communautés chrétiennes autochtones sont coordonnées par des femmes. Certains Pères synodaux évoquent l’idée de reconnaître leur action en leur confiant des ministères. Quel rôle peuvent-elles jouer selon vous?
On observe que plus les communautés sont isolées, plus les femmes ont un rôle important. Je reste marquée par l’intervention d’une femme autochtone invitant les Pères synodaux à réfléchir sur le fait qu’ils étaient tous nés d’une femme, qu’ils respiraient grâce à une femme. Une intervention sous la forme d’une prière d’une grande puissance. Une autre s’est également exprimée sur la complémentarité des sexes, très présente dans la culture indigène. Il faut cependant noter que la question des ministères n’a jamais été réclamée par des femmes au sein de l’assemblée, mais a toujours été portée par des Pères synodaux. Les femmes manifestent surtout un besoin de reconnaissance de leurs dons. (cath.ch/imedia/cg/rz)
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