Les malades qui dépendent de médicaments venant de l’étranger sont particulièrement touchés, affirme le docteur Nabil Antaki. Ce médecin laïc, qui vit la solidarité avec les plus démunis depuis 1986, est le cofondateur de l’organisation caritative «Les Maristes bleus» à Alep.
Nabil Antaki estime lui aussi que les sanctions ne font qu’aggraver la situation humanitaire sans avoir aucun impact sur la fin des hostilités et l’instauration de la paix. Pour cette raison, l’exode des Syriens, en particulier des chrétiens, continue, encore davantage que durant les heures sombres de la guerre.
Mgr Georges Abou Khazen, pour sa part, affirme que les sanctions, qu’il qualifie sans ambages de «crime» qui enfonce la population, touchent avant tout les civils et empêchent, de fait, le redressement d’une nation «toujours en difficulté» après plus de huit années de guerre.
Avant la guerre, il fallait 48 lires syriennes, au maximum 50 lires, pour un dollar, aujourd’hui près de 700 ! L’inflation bloque les importations, en particulier les médicaments vitaux, notamment pour la chimiothérapie. Mgr Abou Khazen exhorte les autorités occidentales à desserrer l’embargo »avant que la situation ne s’effondre totalement».
Le vicaire apostolique des latins affirme que «d’un conflit militaire, nous sommes passés à une guerre économique et commerciale» dont ceux qui la subissent sont encore une fois le peuple ordinaire. C’est pourquoi, ajoute-t-il, il faut lever immédiatement les sanctions.
Dans une interview accordée à l’agence de presse catholique italienne AsiaNews, Mgr Abou Khazen estime que cette politique d’étranglement de la Syrie par les puissances occidentales a provoqué l’effondrement de la monnaie locale. Le religieux franciscain prévient que cette inflation «bloque l’économie et touche les gens ordinaires, premières victimes de la vie chère».
De nos jours, poursuit le vicaire d’Alep, il est difficile de trouver des biens et des ressources, même de première nécessité. «Surtout les biens qui viennent de l’extérieur: les gens ne savent pas comment les acheter parce qu’il y a un manque d’argent et les ressources disponibles sont rares. Il manque beaucoup de choses qui, avant la guerre, se trouvaient facilement». En même temps, prévient-il, «les gens doivent survivre avec le même salaire qu’avant la guerre, mais il est évident qu’aujourd’hui le pouvoir d’achat des salaires est bien inférieur. A l’heure actuelle, en réalité, nous ne vivons plus!»
Après plus de huit ans de guerre, la situation à Damas, Alep et dans d’autres grands centres semble s’être «améliorée du point de vue de la sécurité», comme le confirme le vicaire apostolique d’Alep. Mais il reste beaucoup à faire «du point de vue économique; dans certaines poches de conflit, comme à Idlib, l’inquiétude est grande. La présence, dans la région, des intérêts divergents entre Kurdes, Turcs, Etats-Unis et alliés régionaux suscite la peur de nouvelles tensions».
Le gouvernement tente d’intervenir pour stopper l’inflation et le marché noir, mais les ressources déployées jusqu’à présent se sont révélées insuffisantes. La crise monétaire a mis les importateurs à genoux, forcés de négocier leurs achats en dollars.
Les sanctions ont, entre autres choses, «presque réduit à zéro l’importation de médicaments vitaux tels que ceux nécessaires pour le traitement du cancer ou les produits pour les dialyses chez les patients diabétiques». Certains des médicaments les plus courants – explique-t-il – sont produits en Syrie et ne manquent pas. «Mais si nous parlons de ceux qui traitent le cancer ou d’autres maladies graves, la situation est bien différente».
«Les gens sont fatigués et ne savent pas quoi faire», déplore Mgr Abou Khazen. «Après le conflit militaire, souligne-t-il, nous devons maintenant faire face à la guerre économique en raison des sanctions américaines et européennes. Chaque famille ne peut obtenir que 100 litres d’essence par mois et une bouteille de gaz à peine suffisante pour cuisiner. Nous ne parlons pas de diesel pour se chauffer, vu l’hiver qui arrive bientôt…»
«Arrivé à ce point – conclut le religieux franciscain – il est de plus en plus difficile d’avancer et les gens finissent par perdre espoir!» (cath.ch/asiannews/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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