«J’aimerais savoir de quelle manière les femmes et les hommes pourraient mieux travailler ensemble du Vatican», a exclamé Arturo Sosa, en répondant à une question durant la table ronde organisée par les jésuites de Suisse, à l’occasion de la deuxième journée de sa visite officielle en Suisse. «Mais une meilleure intégration des femmes dans les processus décisionnels affecte la société toute entière», a affirmé le jésuite vénézuélien, devant les représentants du monde ecclésial suisse et les 300 fidèles présents.
Écologie, inégalité de l’accès aux ressources, mépris des droits de l’homme et de la démocratie, manque de volonté en faveur du bien commun de la part de gouvernements toujours plus populistes et nationalistes: voici les défis multiples et menaçants qu’il est urgent d’affronter aujourd’hui, selon le Père Sosa.
Dans la lutte contre la pauvreté, le jésuite a invité l’Église catholique à s’ouvrir davantage à plus de coopération, en son sein et avec d’autres acteurs. Il a souligné comme dans leur engagement en faveur de la justice et de l’éducation, les jésuites contribuent à soulager la misère. D’une part, en aidant les migrants et les personnes socialement défavorisées. D’autre part, la contribution intellectuelle des jésuites a fourni de nouveaux modèles pour affronter les causes de ces divers problèmes.
Au sujet de la sécularisation et de l’influence décroissante de l’Église, le Père Sosa est d’avis qu’il est possible d’accueillir ces changement non pas dans la peur, mais comme des occasions de proposer l’Évangile de manière nouvelle. En effet, «une société libre profite grandement d’une proclamation renouvelée de la foi», qui cherche réellement à comprendre quelle est la volonté de Dieu aujourd’hui.
Le supérieur des jésuite a encouragé à poser les «bonnes questions». Pour l’Église catholique, cela signifie: «Comment faire bouger l’Église pour qu’elle puisse surmonter le cléricalisme?». Pour le Père jésuite, une des solutions possibles pour répondre à ces défis réside dans une réorganisation de l’Eglise. Pour réaliser cela, il est nécessaire de conduire l’Eglise hors de sa structure de pouvoir, afin qu’elle puisse devenir une «Eglise de service». Il s’agit de repenser fondamentalement la hiérarchie, pour réduire le cléricalisme.
En soulignant l’importance et la nécessité des questions soulevées au cours de la soirée, le Père Sosa a finalement rappelé que beaucoup de questions ne pouvaient toutefois pas être résolues par de simples discussions. La «sagesse» que cela requiert est à comprendre au sens biblique, et non comme un savoir intellectuel. Elle ouvre les espaces nécessaires pour que l’Esprit Saint fasse son œuvre de renouvellement. À titre d’exemple, il a cité le Concile Vatican II qui n’aura pas seulement été une étape inspirante dans l’histoire de l’Église, mais qui, à bien des égards, reste encore à mettre en œuvre. (cath.ch/kath.ch/gs/mathias werfeli/dp)
Être chrétiens aujourd’hui en Suisse
Les orateurs conviés à la table ronde ont tenté de répondre à des questions concernant les principaux enjeux actuels auxquels l’Eglise doit faire face, en Suisse et dans le monde entier: Que signifie être chrétien au XXIe siècle? Quelles réponses apporter aux défis auxquels l’Église est confrontée aujourd’hui? Et quel est l’avenir des jeunes croyants?
Barbara Hallensleben, professeur de théologie dogmatique et de théologie de l’œcuménisme à l’Université de Fribourg, a proposé trois thèses ignatiennes qui pourraient résumer la situation actuelle. Elle souligné tout d’abord que l’Église n’a pas besoin d’être réinventée, mais redécouverte. D’autre part, selon B. Hallensleben l’Évangile doit trouver une expression propre à chaque culture. Enfin, elle a souligné que l’Église d’aujourd’hui vit principalement de l’œcuménisme, ce qui se manifeste dans les nombreuses formes de coopération.
Pour Daniel Kosch, secrétaire général de la Conférence centrale catholique-romaine (RKZ), les relations entre l’État et l’Église, autrefois stables et constructives, sont non seulement soumises à la pression de la sécularisation, mais aussi de plus en plus critiquées au sein de l’Église en raison des scandales liés aux abus. Si le bon état des finances, en Suisse alémanique, permet de maintenir encore les structures telles qu’elles sont. C’est au contraire la devise «faire plus avec moins» qui prévaut déjà en Suisse romande. Enfin, la justice au sein de l’Église dépend selon lui d’une meilleure répartition du pouvoir, dans le respect de la démocratie comme des droits humains.
Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, a salué la diversité de l’Église en Suisse. Il a souligné que l’influence sur la société et les individus continue certes de diminuer, suite aux scandales et dans un contexte d’indépendance croissante des croyants, mais la solidarité des fidèles suisses, en particulier avec les plus pauvres, ne s’est jamais interrompue. Mgr Gmür a enfin plaidé pour une réforme des structures de l’Église, afin de les rendre plus justes.
Le pasteur Gottfried Locher, président de la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS), a mis en évidence le »manque de fidélité à la mission de l’Église», qui selon l’Évangile de Matthieu (chap. 28) doit se concentrer sur l’annonce de l’Évangile, en paroles et en actes. Selon le pasteur, l’Église s’investit de bien des manières louables, mais qui ne font pas partie de cette mission fondamentale. Les fidèles de toutes générations qui s’y consacrent méritent qu’on leur donne la parole.
Davide Pesenti
Portail catholique suisse
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