C’est un devoir «humanitaire, moral et national» que le gouvernement irakien et l’ensemble de la population soutiennent la survie et la permanence des chrétiens dans la Plaine de Ninive, une région qui a toujours été traditionnellement à majorité chrétienne. Les chrétiens sont une partie intégrante du tissu de la nation irakienne, insiste-t-il.
Sur le site internet du patriarcat de Babylone des chaldéens, à Bagdad, le cardinal Sako en appelle à la responsabilité des décideurs et des citoyens irakiens et les incite à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour que les chrétiens restent dans leur pays, alors qu’une majorité d’entre eux a déjà pris le chemin de l’exil.
Pour le patriarche chaldéen, il est essentiel de supprimer les injustices que subissent les chrétiens, dont l’existence est une «richesse» de l’histoire et de la civilisation irakiennes. Les chrétiens ne recherchent pas des privilèges, mais l’égalité.
Evoquant le conflit en cours dans la Plaine de Ninive et les tentatives pour changer la démographie de leurs territoires et la volonté de les administrer sur une base sectaire ou ethnique, le patriarche chaldéen souligne que cette région où se concentrent les villages chrétiens, est le seul endroit pour les chrétiens en Irak.
«Cela se produit en même temps que ce que j’entends dire par des fonctionnaires du gouvernement lors de rencontres personnelles, à savoir que les chrétiens sont une composante autochtone de la population irakienne et qu’ils ont contribué à l’établissement de l’Irak». Le conflit actuel dans la Plaine de Ninive vise à éradiquer les chrétiens de leurs racines et de leurs régions historiques, dénonce le patriarche. «La situation – prévient-il – est devenue très dangereuse et doit être réglée avant qu’il ne soit trop tard».
Le nombre de chrétiens tués et déplacés durant les guerres qu’a connues l’Irak est important par rapport à leur nombre total. Cependant, ce qui les inquiète en ce moment et leur cause une grande inquiétude, «c’est le conflit autour de la Plaine de Ninive, qui vise à les déraciner de leur patrie et de leurs zones historiques pour s’approprier leurs villes.
Ainsi, deux ans après la libération de ces villages [occupés un temps par Daech, l’Etat islamique, ndlr], le pourcentage de familles déplacées de retour à Tel Kaif et Batnaya n’a pas dépassé 1% et ces zones doivent être nettoyées».
La ville de Tel Kaif, historiquement le centre de la communauté chaldéenne catholique d’Irak, située à une quinzaine de kilomètres de Mossoul, est quasiment vidée de ses chrétiens, qui ont peur d’y retourner. Dans toute la région, la population n’est pas rassurée et vit dans la crainte d’un possible retour de Daech, l’Etat islamique, mais subit aussi la pression démographique des chiites.
Déjà dans le passé, des dirigeants catholiques et des figures de proue de l’Eglise dans le nord de l’Irak avaient dénoncé la présence de milices chiites et de groupes armés qui menacent l’avenir des chrétiens dans la région. Un danger qui est également apparu ces derniers jours, lorsque, à l’occasion de la fête musulmane de l’Achoura, les Unités de mobilisation populaire chiites Hachd al-Chaabi ont imposé un couvre-feu dans la Plaine de Ninive et dans le district de Tal Afar.
Derrière ces mesures de sécurité préventives, il y avait certes la volonté d’empêcher les attentats visant les processions qui célèbrent le martyr de l’imam Hussein (troisième des douze imams du chiisme duodécimain, il a été tué lors de la bataille de Karbala en octobre 680) et de ses disciples. En fait, tout au long de l’été, il y a eu des épisodes de tension entre les factions combattantes chiites et l’armée régulière irakienne pour le contrôle du territoire.
A Qaramles, un village chaldéen de la Plaine de Ninive, la population est encore majoritairement chrétienne, mais cohabite avec près d’une centaine de familles shabaks, des musulmans chiites membres de familles de soldats tombés sur les champs de bataille contre l’Iran. Ils ont été installés là dans les années 1980 par Saddam Hussein.
Non loin, le village de Bartella est déjà en majorité chiite. 19 villages shabaks sont érigés autour de Bartella. Les familles des soldats et des miliciens demandent des terres pour leurs ›martyrs’. Le changement démographique est indéniable, car les familles chiites ont le double d’enfants que les familles chrétiennes, ces dernières souhaitant, en limitant leur progéniture, que leurs enfants aient une bonne éducation et puissent étudier.
Le patriarche chaldéen rappelle que c’est un devoir moral et national de défendre la permanence de la communauté chrétienne. Le retrait des factions armées de la région et le financement de projets de développement sont nécessaires, estime-t-il.
Ces épisodes récents, ainsi que le nombre très limité de chrétiens qui sont retournés dans leurs foyers et leurs terres dans la Plaine de Ninive après les violences de Daech, rendent la survie de la communauté chrétienne dans le pays de plus en plus critique.
A cet égard, le patriarche Sako ne nie pas que «la souffrance des chrétiens fait partie de la souffrance des tous les Irakiens», mais ils «ont souffert plus que d’autres», aussi à cause de la haine à leur égard «et de l’échec des gouvernements» à les protéger. (cath.ch/asianews/com/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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