De 1988 à 1992, au sein de la Commission pontificale Justice et Paix, le Valaisan Nicolas Buttet (*) a été l’un des proches collaborateurs du prélat d’origine basque, né le 25 septembre 1922 à Espelette, dans les Pyrénées-Atlantiques.
Il se rappelle ce grand montagnard qui venait en Valais avec sa Renault 4 directement de Marseille, où il était alors archevêque (de 1970 à 1984), pour grimper un 4’000 m et s’en retourner juste après dans la cité phocéenne.
«En 1991-1992, à Rome, j’avais mon bureau en face du sien, je faisais partie, au sein d’un groupe de six personnes, de ses plus proches collaborateurs, un peu sa garde rapprochée. Quand vers 13h30, je terminais le travail, il arrivait régulièrement qu’il m’invite à manger avec lui. Je note son extrême délicatesse, sa grande simplicité et son humilité, alors que le pape Jean Paul II lui confiait les missions les plus délicates et les plus confidentielles».
«Tous les vendredis matin, lors de la messe, alors qu’il partait pour ses missions spéciales, on sentait qu’il avait une grande conscience de ses responsabilités comme émissaire du pape et du rôle de pacification que pouvait apporter l’Eglise dans les régions en crise».
«C’est un grand serviteur de l’Eglise qui disparaît!»
Et d’énumérer quelques-unes de ses nombreuses destinations «chaudes»: en Chine, au Vietnam, en Russie, en Haïti, au Myanmar ou au Rwanda en plein génocide contre les Tutsis. Ou encore ses rencontres à La Havane avec le leader cubain Fidel Castro, en Irak, où il rencontre Saddam Hussein le 16 février 2003, pour tenter d’éviter une guerre qui allait précipiter le pays dans le chaos et signifier la disparition de la majorité de la communauté chrétienne du pays. Il ira aussi en Iran, à Sarajevo, en Corée du Nord, rencontrera le leader libyen Mouammar Kadhafi…
«Ce n’était pas du tout un ‘apparatchik’, mais un homme respirant la chaleur humaine, avec un superbe accent du Sud-Ouest, un vrai homme d’Evangile, qui portait particulièrement le souci de l’unité de l’Eglise en Chine… C’est un grand serviteur de l’Eglise qui disparaît!»
Roger Etchegaray nous confiait un jour, invité à un colloque à l’Université de Fribourg: «avec toutes ces misères côtoyées à travers le monde, je pourrais avoir une impression de décadence, mais même aux tréfonds des enfers, je ne désespère pas de l’Homme… Je trouve toujours de l’espoir!»
«Des fois, soulignait ce varappeur émérite, qui grimpait dans les Pyrénées ou dans les Alpes, c’est un tout petit côté qui se trouve exposé au soleil de Dieu. C’est comme en montagne, il faut savoir trouver la face qui n’est pas gelée, que l’on peut escalader. Ainsi, de même pour l’Homme: dans tout homme on trouve un côté où il est, si j’ose dire, vulnérable à l’amour et à la tendresse de Dieu. C’est ce qui fait que l’on ne peut pas désespérer, parce que Dieu est présent en tout homme».
Le cardinal Roger Etchegaray, un homme marqué par le Concile de Vatican II, auquel il participa comme expert officiel, sera nommé président du Conseil pontifical Justice et Paix et de Cor unum, le dicastère chargé de coordonner les initiatives de l’Eglise dans le domaine de la charité et de l’assistance humanitaire, le 8 avril 1984, charge qu’il exercera jusqu’en 1998, avant de devenir président du Comité pour le Grand Jubilé de l’an 2000 à la demande du pape Jean Paul II. JB
(*) Originaire du Bas-Valais, juriste de formation, Nicolas Buttet est le fondateur de la fraternité Eucharistein et l’initiateur de l’Institut Philanthropos à Bourguillon (Fribourg). Il a notamment été assistant en sociologie à l’Université de Genève, assistant à l’Université de Fribourg et collaborateur du cardinal Etchegaray au Conseil pontifical Justice et Paix de 1988 à 1992. Il travaille d’abord pour Justice et Paix auprès du COE, dans le programme Justice, Paix et Sauvegarde de la Création (JPSC). A ce titre, il se rendra comme délégué du Vatican à l’assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) en 1990 à Séoul.
Au lendemain de l’annonce de la mort du cardinal Roger Etchegaray, archevêque émérite de Marseille, le pape François s’est souvenu de la figure de cet homme «de dialogue et de paix», a indiqué Matteo Bruni, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège, le 5 septembre 2019.
C’est au Mozambique, où le pontife est arrivé le 4 septembre au soir pour une visite de trois jours dans le pays, que le pontife argentin a appris «avec tristesse» le décès de cette haute figure de l’Eglise du XXe siècle. Celui qui avait reçu la pourpre cardinalice des mains du pape Jean Paul II il y a quarante ans avait accompli d’importantes et «délicates» missions diplomatiques au nom du pape dans différentes régions du monde.
«Je garde un souvenir ému de cet homme à la foi profonde et au regard tourné vers les extrémités de la terre, toujours en éveil quand il s’agissait d’annoncer l’Evangile aux hommes d’aujourd’hui», a affirmé le pape François dans un télégramme de condoléances envoyé à Mgr Marc Aillet, évêque de Bayonne, Lescar et Oloron, le 5 septembre. «Pasteur zélé et aimé», mais aussi «conseiller écouté et apprécié», a-t-il encore souligné, le cardinal Etchegaray a profondément marqué la vie de l’Eglise en France et de l’Eglise universelle. Lors d’une messe célébrée à la nonciature de Maputo, capitale du Mozambique, le pontife a également fait mémoire de cet homme «de dialogue et de paix».
Celui qui avait été nommé à la tête des Conseils pontificaux Justice et Paix et Cor Unum, puis vice doyen du Collège des cardinaux, s’est éteint dans son diocèse natal où il s’était retiré depuis 2017. «Il s’est endormi, muni des derniers sacrements, dans la paix et la sérénité», a annoncé Mgr Aillet. Les funérailles du cardinal Roger Etchegaray auront lieu lundi 9 septembre 2019 à 10h30 en la cathédrale Sainte-Marie de Bayonne. L’inhumation aura lieu dans son village natal à Espelette après un hommage en l’église Saint-Etienne d’Espelette. (cath.ch/be)
Né à Espelette, le 25 septembre 1922. Ordonné prêtre le 13 juillet 1947 à Espelette. Etudiant au Séminaire Français de Rome. Docteur en Droit canonique. Secrétaire particulier de l’évêque de Bayonne, chargé en même temps du secrétariat général de l’Action catholique le 22 janvier 1953.
Secrétaire général de l’Action catholique et des Œuvres diocésaines le 1er octobre 1954. Membre du Conseil épiscopal, le 24 juin 1955. Chanoine honoraire le 11 avril 1956. Directeur des Œuvres chargé spécialement de la Pastorale de zone, le 2 décembre 1958. Vicaire général et chargé des zones pastorales, le 18 octobre 1960.
Nommé par l’Assemblée des Cardinaux et Archevêques de France, le 18 janvier 1961, Directeur adjoint du Secrétariat de l’Episcopat à Paris, spécialement chargé des problèmes de Pastorale. Prélat de Sa Sainteté le 4 août 1962. Secrétaire général de l’Episcopat, le 1er juin 1966.
Evêque titulaire de Gemella de Numidie et auxiliaire de l’archevêque de Paris, ordonné évêque par Mgr Marty et par les membres de la Conférence des Evêques de France le 27 mai 1969. Nommé archevêque de Marseille le 24 décembre 1970. Intronisé le 16 janvier 1971. Président de la Conférence des évêques de France, de 1975 à 1981. Prélat de la Mission de France de 1975 à 1982. Président du Conseil des conférences épiscopales européennes (CCEE) de 1971 à 1979.
Créé cardinal par le pape Jean Paul II, le 30 juin 1979. Nommé président de Justice et Paix et de Cor unum le 8 avril 1984. A ce titre, accomplit diverses missions diplomatiques délicates à la demande de Jean Paul II. Cardinal-évêque de Porto-Santa Rufina, le 24 juin 1998. Vice-doyen du Collège des cardinaux du 30 avril 2005 au 10 juin 2017.
Grand-Croix de la Légion d’honneur le 26 avril 2014. Il prend congé du pape François et se retire à la maison de retraite Arditeya, de Cambo, en janvier 2017. Il est décédé le 4 septembre 2019 à Cambo-les-Bains. JB
Jacques Berset
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