Spots, fumigènes, projections d’images et des paroles des chansons sur le mur, au fond du chœur. Rien ne manque au groupe valaisan de pop louange «Raising Hope» pour faire vibrer l’église de Conthey, ce samedi 30 août 2019. Au pied de l’autel, des adolescents dansent au rythme des guitares en louant le Seigneur. Ceux qui n’ont pas pu venir pouvaient suivre la soirée en streaming sur Facebook.
«Les jeunes n’ont pas déserté l’Eglise, c’est un faux cliché», lance l’abbé Pierre-Yves Pralong, membre du groupe et curé de Plan-Conthey/St-Séverin(Châteauneuf). On les voit moins le dimanche matin parce qu’ils vont aux célébrations le samedi soir ou le dimanche soir ou dans les paroisses des villes où ils étudient, précise celui qui est aussi bassiste du groupe.
On est en revanche sûr de les trouver lors de telles soirées. «Conthey est un des points clé avec Monthey, Martigny, Sion et Sierre où les jeunes se rassemblent. Nous bougeons l’Eglise, indique Yves Crettaz, un jeune impliqué dans l’organisation. Nous mettons Dieu où sont les jeunes et nous allons à leur rencontre». L’image de l’autel repoussé au fond du chœur le temps du concert, puis ramené à sa place pour l’adoration qui a suivi, est à ce titre éloquente.
A l’instar des soirées telles qu’OpenSky à Fully (VS), le Metanoïa festival à Vérolliez (VS) ou Crossfire à Belfaux (FR) et des soirées louange, on peut penser que cette jeunesse prie d’une manière événementielle. «A Conthey ces soirées ont lieu environ tous les deux mois. Il s’agissait d’organiser des événements de moyenne envergure, entre les JMJ mondiales et nationales, les pélés et festivals annuels. Histoire d’entretenir la flamme et la ferveur vécue lors de ces rassemblements», explique l’abbé Pralong. Une belle manière de rythmer l’année mais il serait difficile d’en faire plus et ce n’est pas le but.
Reste que la forme peut surprendre. «Nous nous exprimons avec les moyens actuels pour aller à la rencontre des gens. L’Eglise est frileuse. Si on ne va pas de l’avant, rien ne changera. Il faut la chahuter cette église», mais sans toucher aux fondements, ajoute Yves Crettaz. Rien ne remplace la messe.
Il faut oser donner la parole et aller chercher cette jeunesse, résume l’abbé Pralong engagé dans la pastorale jeunesse du diocèse de Sion. «Pour peu qu’on leur fasse un peu de place, ils répondent présent et viennent s’investir», appuie le bassiste de «Raising Hope».
Les conclusions du synode des jeunes de 2018 ne disaient d’ailleurs pas autre chose: les jeunes revendiquaient une véritable place dans l’Eglise. Ils voulaient qu’elle les écoute et qu’elle leur fasse confiance.
Le curé, engagé dans la pastorale des jeunes du diocèse de Sion, a donc donné la parole à ces jeunes (des adolescents et jeunes adultes) afin qu’ils disent l’Eglise dont ils rêvaient. C’était en septembre 2018. «On s’est permis de rêver». Entre «l’utopique et le réalisable», un grand brainstorming a accouché de 15 idées dont l’animation de messes et les soirées louange.
Et si les jeunes ne sont pas dans leur paroisse le dimanche matin, c’est qu’ils animent la messe ailleurs. Du côté de Saint-Prex (VD) on connaît aussi la musique. «Nous animons la messe un dimanche par mois», explique Bastien, étudiant et membre du Groupe Jeunes Cabana (GJ Cabana). «De la batterie et des guitares pour animer une messe… Il y a bien eu quelques grincements de dents au début. Mais nous avons reçu un super accueil des prêtres et des paroissiens». Toutes générations confondues.
Les fidèles viennent même des autres paroisses de l’UP et de la région. Il n’est pas rare que des retraités participent à des soirées de louange, en plus des familles et des paroissiens curieux, et pour certains convertis. «Lors de ces soirées, les gens découvrent quelque chose de neuf, ils s’aperçoivent qu’on peut prier d’une manière différente», assure le jeune Vaudois.
D’ailleurs, à bien y regarder, plusieurs générations composaient la centaine de personnes qui ont assisté au concert de Conthey: outre les 15-25 ans, majoritaires, les parents des plus petits, quelques familles et… des retraités occupaient la nef de l’église. «Cette jeune génération ne se renferme pas sur elle. Elle s’approprie la foi et l’espace liturgique et pour tous», souligne l’abbé Pralong. Ces soirées valaisannes sont intergénérationnelles.
Là où on pouvait craindre un repli identitaire, on trouve, au cœur de leurs motivations, l’envie d’aller rejoindre les autres. «Ce n’est pas facile de parler de sa foi en dehors de l’Eglise. Et en paroisse on se sent parfois seul», justifie Bastien. Ces animations permettent de ramener du monde. De cinq membres en 2014, le GJ Cabana est passé à 60. Les responsables ont dû créer un groupe pour les adolescents.
Le GJ Cabana a même pris la route pour Lausanne où ils ont proposé à dix paroisses d’animer la messe du dimanche. «Cinq ont répondu. Quatre nous ont reçus. Nous espérions croiser plus de jeunes que nous en avons vus pour leur dire de nous rejoindre».
Bastien est lucide. Revendiquer est une chose, agir en est une autre. Selon lui les jeunes doivent prendre leur place au sein de la communauté, quitte à forcer la porte et bousculer les habitudes d’une Eglise parfois ›vieillotte’. " Mais en insistant ça passe. Pour cela nous devons prendre nos responsabilités, des initiatives et nous engager dans cette Eglise en apportant du neuf, mais pas contre elle. A nous de donner envie aux autres de s’y investir aussi!». (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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