Contrairement à ce qu’indique le site Vatican News en langue italienne, selon lequel le Royaume-Uni, la France, la Suisse et l’Italie en demanderaient l’inscription au Patrimoine mondial de l’UNESCO, la Suisse ne prévoit pas, à ce stade, de faire une telle démarche pour les 215 km de la Via Francigena sur territoire helvétique.
Cet itinéraire de pèlerinage, qui franchit le Jura et les Alpes en passant par le Plateau suisse, était également une voie commerciale unissant l’Europe septentrionale à l’Europe méridionale. Il fut emprunté en 990 par l’archevêque Sigéric de Cantorbéry, qui relia Rome à son évêché et laissa la description de 79 étapes de son trajet, qui est conservée à la British Library à Londres. Sigéric s’était rendu à Rome pour recevoir du pape Jean XV le pallium, un ornement sacerdotal symbolisant la communion avec le successeur de saint Pierre.
Dès 1300 et la proclamation des Années Saintes, cet itinéraire devint un des plus importants chemins de pèlerinage européens. En Suisse, les étapes officielles sont Yverdon-les-Bains, Orbe, Lausanne, Vevey, Aigle, Saint-Maurice, Orsières et Bourg-Saint-Pierre.
«Les conditions matérielles et formelles manquent pour une telle décision: un bien proposé pour inscription sur la liste du Patrimoine mondial doit disposer d’une valeur universelle exceptionnelle présumée», confie à cath.ch Oliver Martin, chef de la section Patrimoine culturel et monuments historiques de l’Office fédéral de la culture (OFC) à Berne.
«Une telle valeur peut uniquement être établie sur la base d’une étude approfondie et notamment sur la base d’une analyse comparative avec d’autres biens similaires, qui représentent une valeur analogue et sont, le cas échéant, déjà inscrits sur la liste de l’UNESCO», poursuit Oliver Martin. Mais l’OFC a consenti, sur demande informelle du Ministère responsable italien, à participer avec d’autres pays à une étude thématique sur les chemins de pèlerinage en Europe et ailleurs.
«Notre participation à cette étude n’engendre pas automatiquement la participation suisse à une éventuelle candidature. En outre, sur le plan formel, toute candidature présumée doit impérativement être inscrite dans la liste indicative nationale de chaque pays».
La liste indicative de la Suisse a été révisée et approuvée par le Conseil fédéral en 2016. La Via Francigena n’y figure pas, et une révision de la liste indicative suisse n’est pas prévue dans les dix prochaines années, explique le chef de la section Patrimoine culturel et monuments historiques de l’OFC.
«La reconnaissance de la Via Francigena comme Patrimoine mondial de l’UNESCO constituera la consécration définitive d’un chemin ancien et important», explique pour sa part le vice-président de l’Association européenne de la route, Francesco Ferrari. Pour qui la reconnaissance de cet itinéraire est attendue d’ici 2020.
Le dossier de candidature au patrimoine de l’UNESCO a déjà reçu l’approbation du ministère italien de la Culture, résultat d’un accord entre sept régions de la péninsule: l’Emilie-Romagne, la Lombardie, le Piémont, la Ligurie, le Latium, et le Val d’Aoste, avec la coordination de la Toscane. La Via Francigena sur territoire italien a en effet été intégrée, le 24 janvier 2019, à la liste italienne des propositions nationales pour le Patrimoine mondial.
A l’instar des Chemins de Compostelle, la Via Francigena est une importante voie de pèlerinage médiéval. L’historien Jacques Le Goff décrit cette voie comme «le pont qui relie l’Europe anglo-saxonne et latine».
Cette route, qui traverse le cœur de l’Europe occidentale, était empruntée au Moyen Âge par des pèlerins venus d’Angleterre et de France qui voulaient se rendre à la basilique Saint-Pierre ou continuer vers la Terre Sainte en embarquant dans les ports des Pouilles. C’était aussi un voyage commercial pour transporter des marchandises dans les foires de l’Europe du Nord. L’énorme valeur spirituelle, historique et culturelle de ce voyage est revivifiée chaque année par des dizaines de milliers de pèlerins et de touristes qui parcourent au moins une partie de l’itinéraire.
Au Moyen Age, les trois grands pèlerinages chrétiens étaient ceux qui menaient vers Rome, Jérusalem et Saint-Jacques-de-Compostelle. De nombreux voyageurs empruntèrent alors la Via Francigena, appelée aussi «Via Romea». En 1154, l’abbé islandais Nikulas de Munkathvera suivit le trajet emprunté par Sigéric à partir du col du Grand-Saint-Bernard. Avec environ 40’000 marcheurs en 2016, la Via Francigena connaît depuis un quart de siècle un regain de fréquentation important, note le site Vatican News. JB
Le processus, pour être inscrit sur la liste du Patrimoine Mondial de l’UNESCO, commencé en 2010, a reçu un avis favorable du Conseil de Direction de la Commission Nationale Italienne pour l’UNESCO.
La confirmation est arrivée mardi 24 janvier 2019. Après la phase de l’analyse préliminaire du tronçon italien, présentée au printemps 2018, la deuxième phase pour la définition de l’étude de faisabilité européenne de la candidature a commencé, qui doit faire valoir la valeur universelle de la Via Francigena, laquelle doit être indiscutable.
«L’itinéraire européen mérite la reconnaissance pour son extraordinaire particularité et pour son importance, autant sous le profil culturel que naturel», commente l’Association Européenne des Chemins de la Via Francigena, chargée par la région Toscane de jouer un rôle de soutien technique au projet de candidature à l’UNESCO.
La Via Francigena représente une grande opportunité de croissance et de développement pour les territoires, mais aussi de toutes les communautés locales qui devront être impliquées dans ce projet. Il s’agit d’un bien complexe, patrimoine de l’humanité, à gérer et valoriser dans le réseau UNESCO, lequel s’ajoutera à celui du Conseil de l’Europe qui l’a certifiée depuis 1994, note l’Association Européenne des Chemins de la Via Francigena. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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