«Yvan Stern était d’une discrétion rayonnante, se souvient André Kolly, président de l’Association Cath-info, qui a travaillé avec lui. On ne l’aurait pas remarqué autour d’une table, pas plus qu’on aurait songé à l’interviewer. Mais il suffisait de lui mettre un micro entre les mains et il était absolument génial!»
Marie-Claire Stern, sa sœur, se souvient d’un homme très ouvert à tout le monde, très instruit, épicurien à ses heures, qui aimait la bonne cuisine. «Il pouvait aussi passer six mois au fond du désert, à manger un bol de riz par jour. Cela ne lui posait aucun problème». «Yvan savait captiver son auditoire. Parce qu’il était toujours convaincu de ce qu’il disait et qu’il savait de quoi il parlait, fidèle à ses convictions et à ses principes».
Ses convictions sont d’abord religieuses. Il ne fait aucun mystère d’une vocation dès l’âge de 12 ans. Il effectue sa scolarité à Payerne (VD) où il est né le 14 février 1947, dans une famille très pratiquante. A l’âge de 11 ans, l’année où décède brutalement son père, il poursuit ses études au collège Saint-Michel de Fribourg. «En fait, il partait déjà pour le séminaire», ajoute sa sœur.
Sa scolarité achevée, il passe effectivement la porte du grand séminaire de Fribourg en 1968 et commence la théologie. L’itinéraire sera chaotique et long. Il interrompt puis reprend le parcours qui devait le mener à la prêtrise. Le jeune Yvan se cherche et il doit aussi travailler. Il ne se plaît pas dans l’institution et effectuera le séminaire «hors les murs», en ville de Fribourg. Las, la vocation attendra. Il a une trentaine d’années et bifurque vers le cinéma, «sa deuxième passion».
Une nouvelle vie commence alors avec l’école de journalisme de Fribourg. Une vie riche, dense, animée par la passion du 7e art. Journaliste, notamment au quotidien La Liberté, collaborateur à l’Agence de presse internationale catholique (APIC) et au CCRT, Yvan Stern a, entre autres, a été attaché de presse du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Il fut, de 1985 à 1998, le premier laïc rédacteur en chef d’Evangile et Mission, journal officiel de l’Eglise catholique en Suisse romande.
Il a aussi été directeur du distributeur de courts et longs métrages Selecta Film, puis du Centre audiovisuel «Cinédia» et directeur-fondateur du Festival international de Film de Fribourg (FIFF). «Il faut mentionner la revue Ciné-feuilles à laquelle il a énormément travaillé», rappelle André Kolly. Il a également présidé de nombreux jurys œcuméniques lors de festivals de films internationaux.
Avec un groupe d’amis, il fait partie des fondateurs de Radio Sarine, la première radio locale fribourgeoise qui cédera sa place à Radio Fribourg en 1987.
Le natif de Payerne a reçu le Prix catholique suisse de la communication en 1997. Malgré le journalisme, le cinéma reste au centre de sa vie. L’engagement fut aussi politique puisqu’il a notamment présidé le Conseil général de la ville de Fribourg en 1994-1995, sous l’étiquette du PCS (Parti chrétien social).
«Ce n’était pas l’homme à statuts ni à grandes démarches mais celui de belles intuitions». André Kolly fait allusion à la création du Festival international de films du tiers monde qui deviendra par la suite le Festival international de films de Fribourg (FIFF). Yvan Stern avait découvert le grand festival de film de Ouagadougou, au Burkina Faso, et souhaitait faire connaître le cinéma africain en Europe.
Aussi le Broyard surprend tout le monde quand il annonce l’arrêt de ses activités médiatiques et cinématographiques en 1998 pour un temps de retrait sabbatique. Sauf ses proches: «Avant d’entrer chez les Petits frères de Jésus (congrégation fondée par Charles de Foucault), il était déjà religieux. Cela ne faisait aucun doute pour nous», affirme sa sœur. A 53 ans, il prononce ses vœux temporaires le 3 juillet 2001, à Alger.
«Les petits frères de Jésus, là où ils sont, partagent la vie des gens les plus pauvres en priorité, sans chercher davantage que cette ’vie avec’, sans bruit, sans prétendre y avoir une quelconque influence», écrit le journaliste dans une lettre adressée à ses proches pour expliquer sa nouvelle orientation. «C’est leur façon de témoigner de l’évangile, d’annoncer au cœur de notre monde la présence du Christ ressuscité. Et c’est cela que je souhaite vivre, avec l’aide de l’Esprit donné par le Père à tout homme».
Celui qui a enfin précisé sa vocation prononce ses vœux perpétuels le 17 juin 2007. La célébration se déroule à Tamanrasset, en Algérie, en présence du prieur de la congrégation, le Frère Marc Hayet. C’est «en respectant la discrétion qui est le propre de notre congrégation est qui est imposée à l’Eglise d’Algérie», selon ses termes, que l’ancien rédacteur en chef d’Evangile et Mission s’engage définitivement chez les Petits frères de Jésus. La cérémonie se déroule près de l’ermitage où a vécu leur fondateur Charles de Foucauld.
Il se plaisait beaucoup dans sa vie religieuse, précise Marie-Claire Stern. «Lorsqu’il repartait à Beni Abbès, il disait qu’il rentrait ›chez lui’». Ces 10 dernières années, il a partagé sa vie entre la prière et le travail au jardin de palmier-dattiers.
Quand on lui demandait ce qu’il faisait, Yvan répondait: «j’aide les autres». Que ce soit pour coller un sparadrap sur le front d’un gamin qui venait de s’écorcher ou pour aider des gens dans des démarches administratives.
Le frère Paul-François qui l’a côtoyé, notamment à Marrakech (Maroc), évoque un ›homme du peuple’, heureux de travailler au service d’une population presque misérable. «J’ai été frappé par la manière dont il arrivait à communiquer avec les gens alors qu’il ne parlait pas la langue». (cath.ch/bh)
Les funérailles d’Yvan Stern se dérouleront le 14 août 2019, à 14h à l’église Saint-Pierre de Marseille. Une autre cérémonie, afin de réunir sa famille et ses amis en Suisse, aura lieu le mercredi 18 septembre à 13h45 à l’Eglise catholique de Payerne. Ses cendres seront ensuite déposées au jardin du souvenir.
Bernard Hallet
Portail catholique suisse
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