Le procès se déroule à Mendoza, à près de mille kilomètres au nord de la capitale argentine. Une vingtaine de filles et garçons sourds-muets, âgés de 5 à 17 ans, ont témoigné contre deux ecclésiastiques de l’institut catholique spécialisé où ils étaient scolarisés, rapporte le quotidien français Le Monde. Ces enfants venant de milieux défavorisés étaient pensionnaires de l’institut du Provolo. Ils auraient subi, entre 1996 et 2016, des actes de viol et de torture de la part des prêtres Nicola Corradi (84 ans) et Horacio Corbacho (54 ans), ainsi que de trois autres employés de l’établissement. Selon l’un des avocats des plaignants, au moins trois jeunes filles sont tombées enceintes, sans que l’on sache ce que sont devenus les bébés.
Même si des soupçons étaient déjà apparus en 2008, l’affaire a réellement éclaté en 2016. Deux autres procès sont prévus «pour complicités et négligences», l’un contre une religieuse japonaise, l’autre contre treize anciens employés de l’institut.
Une enquête est également en cours sur des abus prétendument commis dans un autre établissement du Provolo, à La Plata, dans la province de Buenos Aires, au moment où Nicola Corradi en était directeur, entre 1984 et 1996.
Le Père Corradi avait en effet été transféré d’Italie en Argentine en 1984, après avoir été impliqué dans des scandales d’agressions sexuelles dans l’institut Provolo de Vérone, au nord-est de l’Italie. Il fut le directeur du Provolo de La Plata, avant de diriger celui de Mendoza à partir de 1996. L’autre prêtre emprisonné, Horacio Corbacho, a également été en poste au Provolo de La Plata avant d’être muté à Mendoza.
Les avocats des parties civiles accusent Jorge Mario Bergoglio, l’actuel pape François, d’avoir protégé de son silence les prêtres en question.
Deux envoyés spéciaux du Vatican sont venus à Mendoza pour interroger les deux prêtres, qui se disent innocents. Les envoyés ont affirmé que les plus hautes autorités de l’Eglise n’étaient au courant de rien. Invoquant le secret clérical et le droit canonique, ils ont refusé de mettre à disposition de la justice les informations qu’ils ont pu recueillir au cours de leur propre enquête, malgré les exhortations des avocats de la défense, rapporte Le Monde.
L’avocat Carlos Lombardi juge ainsi qu’il est «impossible que le pape n’ait pas eu d’informations concernant Nicola Corradi», alors qu’il était archevêque de Buenos Aires. Le cardinal Jorge Bergoglio n’a toutefois été nommé à ce poste qu’en 1998. Soit deux ans après que Nicola Corradi soit parti dans le diocèse de Mendoza. Le porte-parole de l’archidiocèse de Mendoza, Marcelo de Benedictis, a assuré au Monde que l’évêché ne savait rien des antécédents du prêtre en Italie.
Mais la période de pontificat de François est également concernée. Des témoignages sont apparus dans les médias en mai 2014, soit plus d’une année après son élection à Rome. Dix-sept présumées victimes, dont des anciens des instituts Provolo, ont dénoncé à la télévision des actes subis par des prêtres pédophiles, ainsi que le silence de l’Eglise. Sans réaction de la part des autorités ecclésiastiques, des lettres auraient été envoyées par l’association de victimes argentine L’Abuso en octobre 2014 au Vatican et au pape. L’une des victimes affirme également avoir remis la lettre en mains propres au pape François en octobre 2015. Mais Nicola Corradi est resté en place jusqu’à son arrestation, en novembre 2016. (cath.ch/monde/rz)
Raphaël Zbinden
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