L’Assomption, fêtée le 15 août, célèbre la mort, la résurrection, l’entrée au ciel et le couronnement de la Vierge Marie. Les Eglises orthodoxes en font également une de leurs grandes fêtes sous le vocable de Dormition de la Vierge.
A partir de l’antique tradition de l’Eglise, le pape Pie XII en a fait un dogme en 1950 en déclarant: «La Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute atteinte de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel, et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs, victorieux du péché et de la mort».
Selon les historiens du dogme, la question a commencé à se poser au Ve siècle après le Concile d’Ephèse, en 431, qui a défini Marie comme «Théotokos» ou Mère de Dieu en tant que mère corporelle de Jésus, vrai Dieu et vrai homme. Le corps qui avait porté Jésus ne pouvait pas connaître la corruption du tombeau.
La fête de la Dormition s’établit vers le milieu du VIe siècle, grâce au développement du cycle marial. La fête du 15 août a probablement pour origine la consécration d’une église à Gethsémani, à côté de Jérusalem, au VIe siècle, où la Vierge aurait fini sa vie terrestre.
Jusque vers 530, l’Orient ne connaît que la fête de la Mère de Dieu célébrée dans la période de Noël. La fête de la Dormition qui, en quelque sorte, découle de cette maternité divine s’est développée à Jérusalem avant de gagner Constantinople puis l’Occident. La fête fut étendue à tout l’empire par l’empereur Maurice (582 – 602), sous le nom de Dormition de la Vierge Marie. Elle a toujours été célébrée le 15 août. Elle a depuis revêtu une importance particulière en Orient: l’année liturgique s’ouvre quasiment avec le 8 septembre – fête de la naissance de Marie – et s’achève le 15 août, fête de son retour à Dieu. «Toute l’année liturgique est ainsi placée sous le patronage de Marie».
La Dormition se réfère non pas au Nouveau Testament, qui ne dit rien de la Vierge après la Pentecôte, mais à diverses traditions rapportées dans des textes aprocryphes. L’évêque Jean de Thessalonique fixe cette tradition vers 620 en tentant de donner une narration authentique et limpide des derniers moments de la vie de Marie. Il veut aussi épurer le récit de trop d’épisodes merveilleux et miraculeux. A l’occasion de la fête de l’Assomption en 2013, le patriarche oecuménique de Constantinople, Bartholomée y fera encore explicitement référence.
La trame du récit de Jean de Thessalonique est assez sobre. Trois jours avant son départ, Marie reçoit la visite d’un ange qui lui annonce sa mort. Il lui promet aussi que son fils Jésus sera présent pour la recevoir. Dans le même temps, les apôtres sont également prévenus et transportés du lieu où ils résident dans une nuée vers la maison de Marie, à Jérusalem. Réunis autour de son lit, les apôtres assistent à sa mort. C’est alors que Christ, comme il ‘avait fait après sa résurrection, pénètre dans la pièce pour y recevoir l’âme de sa mère. Avant de disparaître, Jésus recommande aux siens de prendre soin du corps de Marie et de l’ensevelir dans un tombeau. Les Juifs tentent de s’y opposer, mais leur attaque est miraculeusement avortée. Le troisième jour, les apôtres constatent que le corps de Marie, emporté au ciel, n’est plus dans le tombeau.
C’est ce récit, avec ses variantes, que les artistes de tout le Moyen-Age chrétien mettront en images, surtout en Orient, mais aussi en Occident. Cette représentation, qui n’apparaît pas dans le premier art byzantin, fleurit lors de son deuxième âge d’or du IX au XIIe siècle puis encore au XVe et XVIe siècle. Ces Dormitions s’établiront dans toutes les églises orientales, de l’Egypte à la Russie, en passant par la Syrie, la Grèce, l’Arménie ou la Géorgie. Les églises consacrées à la Dormition de la Vierge sont innombrables.
L’iconographie a retenu le moment le plus solennel. Marie, déjà morte, est étendue sur un lit de parade revêtue d’un grand manteau de Reine. Le Christ dans une mandorle reçoit son âme, représentée sur la forme d’un enfant éclatant de lumière, avant de la remettre aux anges qui l’entourent. Autour du lit, se tiennent les apôtres et les saints dans une attitude d’adoration et de prière. La scène bien que mortuaire n’a rien de macabre.
Après le Moyen Âge, la tradition iconographique occidentale évoluera différemment. Les artistes commencent à représenter non plus la dormition, mais la mort de la Vierge. On y voit Marie agonisante sur son lit entourée des apôtres en pleurs. Cette scène rappelle aux fidèles la réalité de leur propre mort. A partir du XVIe siècle, on introduit dans la prière de l’Ave Maria la demande de nous assister «maintenant et à l’heure de notre mort».
L’élévation de Marie au ciel se détache de cette thématique pour figurer d’abord dans un registre supérieur, puis de manière indépendante. A l’instar de l’Ascencion du Christ, la Vierge, jeune et bien vivante, est emportée au ciel dans une nuée entourée d’une cohorte d’anges. (cath.ch/mp)
Dans une Europe à peine sortie de la guerre, la proclamation du dogme de l’Assomption fut une des manifestations les plus grandioses de l’année 1950. Elle clôt l’Année Sainte. Le temps des jours précédents le 1er novembre avait été très mauvais et les organisateurs craignaient le pire pour le jour de la Toussaint pour le demi-million de fidèles qui se pressaient à Rome, car il était impossible d’organiser la cérémonie à l’intérieur de la basilique Saint-Pierre, rappelait l’historien jésuite, le Père Peter Gumpel.
Mais le pape Pie XII était confiant. «Il a dit à la Vierge dans sa prière personnelle : j’ai fait tout mon possible pour vous donner tout l’honneur que vous méritez, mais le temps doit être stable, alors faites maintenant votre part». Et le 1er novembre fut une «matinée lumineuse, d’une insolite et mystérieuse splendeur», toujours selon les mots de Pie XII. La cérémonie donne lieu à un reportage d’une dizaine de minutes aux actualités cinématographiques italiennes.
38 cardinaux, plus de 600 évêques et quelque 600’000 fidèles assistèrent à la célébration. Pie XII traversa la foule sur la ›sedia gestatoria’ sa chaise à porteurs surmontée d’un dais. Après la proclamation du dogme, Pie XII s’adresse spécialement à «vous, les pauvres, les malades, les réfugiés, les prisonniers, les Persécutés, les bras et les jambes sans travail, les sans-abri, les souffrants de tous genres et de tous les pays; vous qui résidez là où la terre ne semble donner que des larmes et des privations, […] Levez les yeux vers elle, qui avant vous a marché sur les voies de la pauvreté, du mépris, de l’exil, de la douleur, dont l’âme a été transpercée par une épée au pied de la Croix, et qui maintenant regarde sans hésiter la lumière éternelle.»
La célébration du 15 août, instaurée comme fête nationale par le roi Louis XIII a survécu en France sous la période napoléonienne pour une raison assez curieuse. Napoléon Bonaparte était en effet né le 15 août 1769. Par un décret du 19 février 1806, il fit du 15 août la saint Napoléon en l’honneur de Neopolis, un martyr du IVe siècle à l’existence douteuse. C’est ainsi que la fête nationale continua d’être célébrée le 15 août sous le double patronage de l’Assomption et de saint Napoléon.
A la suite de la chute de l’empereur, la saint Napoléon tomba évidemment en disgrâce, mais le 15 août resta fête nationale jusqu’en 1870. Après la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, l’Assomption resta un jour férié en France comme elle l’est en Suisse (cantons catholiques) en Italie, en Espagne, au Portugal, en Belgique, au Luxembourg, en Bavière, en Grèce au Liban, et en Corée du Sud notamment.
Dans de nombreuses villes, notamment en France, comme Paris, Lyon ou Marseille, la fête de l’Assomption est toujours célébrée par des processions. La statue de la Vierge est transportée à travers la ville sur les épaules de porteurs. Dans des villes portuaires comme Nice, la statue de la Vierge prend la mer sur un bateau de pêche. Les festivités s’accompagnent de bénédictions de la mer et des bateaux, car Marie est aussi la patronne des marins.
Maurice Page
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