Erythrée: Le patriarche légitime Abune Antonios excommunié par le Saint-Synode

Chef de l’Eglise orthodoxe tewahedo d’Erythrée depuis 2003, assigné à résidence depuis 13 ans et déposé lors d’une session secrète du Saint-Synode tenu en janvier 2006 dans la capitale Asmara, Abune Antonios a été excommunié par les évêques de son Eglise. Le patriarche âgé de 92 ans est accusé «d’hérésie».

L’Eglise orthodoxe tewahedo,  membre du Conseil œcuménique des Eglises (COE) depuis 2003, était sous la juridiction de l’Eglise orthodoxe éthiopienne jusqu’en 1993, date de son autocéphalie.

Cinq évêques érythréens ont signé l’exclusion

Cinq évêques érythréens sur six ont signé un document qui exclut de leur rang le patriarche, un critique du régime en place à Asmara. Il a été destitué en 2006, officiellement après avoir refusé d’excommunier 3’000 membres du mouvement de renouveau Medhane Alem. Le gouvernement voulait qu’il mette fin aux séances de lectures collectives de la Bible de ses adhérents, considérés comme des opposants. Il s’était également opposé à l’arrestation de trois de ses prêtres, en novembre 2004, a rappelé l’organisation chrétienne Christian Solidarity Worldwide (CSW).

Le patriarche destitué avait été remplacé par Dioscore Ier, qui a dirigé l’Eglise orthodoxe tewahedo  du 27 mai 2007 à sa mort en 2015. Bien qu’intronisé par le Saint Synode, ce dernier n’était pas reconnu par les autres Eglises orientales, contrairement à Abune Antonios. En réalité, pensent les observateurs, il a été déposé pour que le gouvernement autoritaire érythréen puisse avoir le contrôle total de l’Eglise orthodoxe érythréenne.

Une vidéo filmée en secret

En avril 2019, une vidéo a été filmée en secret, dans laquelle le patriarche destitué s’opposait à ce que l’Eglise soit dirigée de fait par un laïc, Yoftahe Dimetros. Dans une lettre justifiant l’exclusion d’Abune Antonios de son Eglise, les cinq évêques affirment que ses activités récentes leur avaient fait prendre conscience que «son repentir n’était pas authentique» et que l’Eglise risquait de devenir «une congrégation d’hérétiques». Ses partisans accusent le gouvernement de s’ingérer dans les affaires de l’Eglise.

Les signataires ajoutent que «son nom ne devrait jamais être mentionné et rappelé, et ceux qui le feront seront sévèrement punis».

Placé en résidence surveillée, Abune Antonios a été par la suite déplacé et mis au secret dans un endroit inconnu, provoquant une vague d’indignation dans le monde. Face à la forte pression internationale, il a été autorisé, en 2017, à assister à une messe à la cathédrale Sainte-Marie d’Asmara. Durant cette brève apparition, il n’a pas été autorisé à faire un sermon, ni à parler aux fidèles. Quelques jours plus tard, le gouvernement a dit l’avoir placé dans un endroit «plus confortable», mais toujours au secret.

Le cas du patriarche Abune Antonios évoqué à la Maison Blanche

Son cas a été évoqué le 18 juillet 2019 à Washington, lors d’une rencontre entre le président Donald Trump et une délégation de chrétiens persécutés reçue au bureau ovale de la Maison Blanche. Helen Berhane, une ancienne détenue religieuse, emprisonnée pendant 32 mois dans un conteneur, en Erythrée pour appartenance à une  »église non déclarée», à savoir une Eglise évangélique, s’est faite à cette occasion la porte-parole des prêtres détenus en Erythrée, son pays.

En mars 2019, Adem Osman Idris, premier secrétaire et Chargé d’affaires ad intérim de la mission permanente de l’Erythrée auprès de l’Office des Nations-Unies à Genève, a informé le Comité des droits de l’homme de l›ONU que le gouvernement de son pays «ne s’était ingéré d’aucune manière, dans les affaires d’Abune Antonios et avait déclaré que c’était le Synode de l’Eglise orthodoxe érythréenne qui avait décidé de retirer le patriarche de son siège, de sa position et de le mettre en résidence surveillée».

Cela a provoqué une vive réaction de la part de Human Rights Concern – Eritrea (HRCE), une organisation indépendante de défense des droits de l’homme en Erythrée, basée au Royaume-Uni. L’ONG a dénoncé à ce propos un «déni flagrant de la vérité» et une «déformation scandaleuse» des faits en ce qui concerne le sort du patriarche de l’Eglise orthodoxe érythréenne. (cath.ch/ibc/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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