L’objectif du document élaboré par le Dicastère romain en charge des écoles et universités catholiques est de guider les familles et les éducateurs dans l’approche des transformations profondes qui marquent les relations entre garçons et filles, dans le contexte de la multiplication des études liées à la question du genre.
Le nouveau document remarque la diffusion de plus en plus fréquente de parcours éducatifs «véhiculant des conceptions de la personne et de la vie prétendument neutres, mais qui en réalité reflètent une anthropologie contraire à la foi et à la juste raison», dans un contexte de «désorientation anthropologique» qui prétend voir dans la différence homme-femme le simple effet d’un «conditionnement historico-culturel».
Depuis les années 1990 particulièrement, de plus en plus de chercheurs détachent la question du sexe de celle du genre, laissant la voie à une «dimension fluide, flexible, nomade». Elle s’exprime notamment dans les thèmes du polyamour et de l’identité queer, qui sont de plus en plus présents dans les médias et dans le monde culturel, selon le document romain.
Ces phénomènes, qui pouvaient pourtant sembler marginaux il y a peu, commencent à avoir une traduction juridique: «on en appelle à la reconnaissance publique de la liberté de choix du genre ainsi que de la pluralité d’unions en opposition au mariage entre homme et femme, considéré comme un héritage de la société patriarcale».
«On voudrait donc que chaque individu puisse choisir sa propre condition et que la société se limite à garantir ce droit, y compris par une aide matérielle, sans quoi on verrait se développer des formes de discrimination sociale vis-à-vis des minorités. La revendication de tels droits est entrée dans le débat politique actuel. Ils ont été accueillis dans plusieurs documents internationaux et insérés dans certaines législations nationales», déplorent les auteurs du document du Saint-Siège.
Le document met en lumière la différence entre l’idéologie du genre (appelée aussi gender theory) et les diverses recherches sur le genre (gender studies) menées par les sciences humaines. Tandis que l’idéologie prétend, comme l’observe le pape François, «répondre à des aspirations parfois compréhensibles» mais cherche à «s’imposer comme une pensée unique qui détermine même l’éducation des enfants», il ne manque pas de recherches sur le genre «qui s’efforcent d’approfondir de manière appropriée la façon dont on vit dans les diverses cultures la différence sexuelle entre homme et femme».
C’est en relation avec ces recherches qu’il est possible de s’ouvrir à l’écoute, au raisonnement et à la proposition.
Ecouter, raisonner et proposer, telles sont les trois attitudes suggérées par le Saint-Siège pour éviter les «malentendus» sur la question du genre. Face aux risques de «conflits idéologiques» dans ce domaine, le Saint-Siège a cherché à donner à travers ce nouveau document un outil de compréhension sur la question du genre destiné aux éducateurs, a indiqué le 10 juin 2019 le cardinal Giuseppe Versaldi, préfet de la Congrégation pour l’éducation catholique, dans une lettre accompagnant le texte.
Dans les dernières décennies, la délicate question du genre a attiré l’attention des évêques, indique le cardinal Versaldi. La décision d’intervenir sur le sujet a été prise lors d’une assemblée plénière de la Congrégation pour l’éducation catholique en 2017. Deux ans plus tard, grâce aux conseils d’experts de différentes disciplines et avec le regard avisé de différents dicastères de la Curie romaine, est publié ce nouveau document. Son objectif, explique le préfet de la Congrégation pour l’éducation catholique, est de venir en aide à ceux qui sont chargés d’éducation.
Dans ce domaine, prévient-il, «le risque de malentendus et de conflits idéologiques est élevé». Il faut ainsi selon lui distinguer l’idéologie du genre – qui nie la différence et la réciprocité naturelle de l’homme et de la femme et espère ardemment une société sans différence sexuelle – et les études sur le genre.
Ces dernières cherchent notamment à approfondir la manière dont la différence sexuelle entre homme et femme est vécue dans différentes cultures. C’est pourquoi, indique le responsable curial, ce document invite à affronter la question du genre avec une «approche dialogique», c’est-à-dire avec les trois attitudes suivantes: écouter, raisonner et proposer.
Largement inspiré des ‘Orientations pédagogiques sur l’amour humain. Schémas de l’éducation sexuelle’, publiées par la même Congrégation en 1983, ce texte rappelle la vision anthropologique chrétienne selon laquelle la sexualité est un élément essentiel de la personnalité, de la manière d’être, de se manifester, et de communiquer avec les autres. Mais aussi «de ressentir, d’exprimer et de vivre l’amour humain».
Avec cette précieuse contribution de réflexion, souligne pour sa part Roberto Zappalà, directeur de l’institut Gonzaga, à Milan, l’Eglise catholique souhaite ouvrir une «voie de dialogue». Plus encore, selon lui, elle désire se faire «espace de dialogue» avec les institutions culturelles, sociales et politiques et plus largement avec tous les hommes, même ceux qui ne partagent pas la foi chrétienne. Sans tomber dans le «relativisme», assure-t-il, l’Eglise voit en chacun un «bon interlocuteur» pour toujours mieux comprendre la sexualité humaine.
Par ailleurs, il existe une certaine «urgence» dans le champ de l’éducation, démontre celui qui est également consulteur de la Congrégation pour l’éducation catholique depuis 2016. Cela traduit selon lui une véritable «carence anthropologique» au sein de la société. C’est pourquoi, plaide-t-il, il faut reconstruire une «alliance éducative famille-école-société». Cette précieuse synergie, permettra d’apprendre que «l’homme et la femme apportent une richesse unique et irremplaçable».
Ce document du Saint-Siège sera désormais envoyé aux différentes conférences épiscopales. Charge à ces dernières de faire parvenir le texte à ceux qui sont engagés dans l’éducation, en particulier les communautés éducatives des écoles catholiques et dans les familles, «lieu naturel de l’éducation à l’amour», indique encore le cardinal Versaldi. Mais aussi de le diffuser largement aux étudiants ainsi qu’aux évêques, aux instituts religieux, aux mouvements, aux associations de fidèles et à toutes les organisations intéressées. (cath.ch/imedia/pad/vaticannews/be)
Jacques Berset
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