En 1948, l’Eglise gréco-catholique roumaine avait été interdite et forcée de s’intégrer au sein de l’Eglise orthodoxe du pays. Après la réautorisation de cette communauté, Mgr Defois avait été le premier évêque occidental à aller rencontrer des cette «Eglise blessée» en pleine reconstruction. Il avait ensuite agi pour cette communauté méconnue et avait notamment invité régulièrement des gréco-catholiques roumains à l’assemblée générale des évêques de France. En reconnaissance de son action, le cardinal Lucian Muresan, primat de l’Eglise gréco-catholique roumaine, l’a convié à la cérémonie présidée par le pape François comme son invité spécial.
Durant cette célébration, le pontife a béatifié sept évêques torturés, emprisonnés et morts en martyrs pour avoir refusé l’intégration au sein de l’Eglise orthodoxe. «S’ils avaient dit un mot pour adhérer à l’orthodoxie ils auraient été acceptés», a relevé l’archevêque émérite de Lille. «C’est pour montrer leur lien permanent avec le pape que ces évêques ont pris le risque de perdre la vie, par fidélité à l’unité de l’Eglise».
Les sept évêques – Mgr Vasile Aftenie, Valeriu Traian Frentiu, Ioan Suciu, Tit Liviu Chinezu, Ioan Balan, Alexandru Rusu et Iuliu Hossu – ont été torturés après l’interdiction de leur Eglise en 1948. Si les six premiers sont morts en prison entre 1950 et 1963, le dernier, Iuliu Hossu, est mort en résidence surveillée en 1970. En 1969, Paul VI l’avait créé cardinal in pectore, une décision révélée trois ans après la mort du prélat.
Cette béatification, a pour sa part considéré Mgr Pascal Gollnisch, directeur de l’Œuvre d’Orient, est un «apaisement de la mémoire» de cette Eglise durement touchée. En effet, aux côtés des sept évêques béatifiés, de nombreux prêtres, moines et fidèles ont été emprisonnés, torturés et parfois exécutés en raison de leur refus de rejoindre l’orthodoxie. Alors que la Roumanie préside le Conseil de l’Union européenne, a relevé le directeur de l’Œuvre d’Orient, cette béatification honore des valeurs européennes importantes, comme la liberté religieuse et spirituelle.
Par ailleurs, Mgr Gollnisch a estimé que le pape François était en Roumanie pour créer des ponts avec l’Eglise orthodoxe. Pour le Français, le pontife est «hanté» par le désir de permettre la rencontre, y compris entre des communautés entre lesquelles existent des tensions. Ainsi, le chef de l’Eglise catholique appelle à la conversion pour être témoins d’espérance auprès des nouvelles générations. Car si la purification de l’histoire est importante, elle ne doit pas empêcher de se tourner vers l’avenir.
Enfin, Mgr Gollnisch a affirmé voir un acte «un peu prophétique» dans la visite que l’évêque de Rome doit faire auprès d’une communauté catholique rom dans l’après-midi de ce 2 juin. Cette rencontre avec une communauté souvent rejetée, a-t-il estimé, s’inscrit dans le «charisme» propre du pape argentin d’aller aux périphéries. (cath.ch/imedia/xln/mp)
Ces sept évêques n’ont pas été directement assassinés, mais tous ont fait l’objet de mauvais traitements qui ont dégradé leur santé et, pour cinq d’entre eux, les ont mené à une mort précoce. Vatican news en a rédigé les biographies.
Vasile Aftenie (1899-1950), évêque auxiliaire de Blaj pour le Vicariat de Bucarest. Consacré évêque en juin 1940, il refusa la loi d’unification en 1948 et fut arrêté. A partir de mai 1949, il fut durant dix mois l’objet d’interrogatoires violents, sans rien concéder quant à son adhésion à la fois catholique. En mars 1950, il s’effondra dans sa cellule, atteint d’une paralysie partielle. Il mourut 45 jours plus tard.
Valeriu Traian Frentiu (1875-1952), évêque de Lugoj, d’Oradea et administrateur apostolique de Blaj. Doyen du groupe, évêque depuis 1912, il fut arrêté en 1948 à l’âge de 73 ans. Gravement malade, il s’éteindra en prison en 1952.
Ioan Suciu (1907-1953), évêque auxiliaire d’Oradea, administrateur apostolique de Blaj. Ordonné évêque en 1940 à seulement 33 ans, il fut un dynamique évangélisateur de la jeunesse, multipliant les parties de football, et montrant aussi une grande proximité avec la communauté Rom. Fougueusement opposé à la dictature du Parti communiste, il fut arrêté en 1948 et fut soumis à des conditions de détention particulièrement dures. Il mourut de faim en 1953, entouré par les autres évêques dans leur cellule de la prison de Sighet. On sait qu’il fut enterré au cimetière des pauvres mais sa tombe n’a jamais pu être identifiée.
Tit Liviu Chinezu (1904-1955), évêque auxiliaire de Blaj. Son cas est particulier puisqu’il n’était que prêtre lors de son arrestation, mais fut ordonné évêque en cachette dans le camp de prisonniers du monastère orthodoxe de Caldarusani. Il ne put jamais exercer son ministère, mais partagea le chemin de Croix de ses frères évêques. Quelques heures avant sa mort, il reçut le sacrement de la réconciliation des mains de Mgr Boros et Mgr Todea, deux évêques qui réussirent à entrer dans sa cellule en effectuant leur travail de balayeurs.
Ioan Balan (1880-1959), évêque de Lugoj. Ce brillant canoniste, membre de la commission vaticane pour la rédaction du droit canonique des Églises orientales, avait été ordonné évêque en 1936. Il fut détenu à partir de 1948, et fut ensuite placé à l’isolement au monastère orthodoxe de Ciorogarla, près de Bucarest, où il s’éteindra en 1959.
Alexandru Rusu (1884-1963), évêque de Maramures. Ordonné évêque en 1931, il fut alternativement placé en prison et à l’isolement dans des monastères orthodoxes. Considéré comme le plus «dangereux» des évêques, il fut le seul à être condamné par un tribunal et s’éteindra en 1963 à la prison de Gherla.
Cardinal Iuliu Hossu (1885-1970), évêque de Cluj-Gherla. Ordonné évêque en 1917, il fut chargé le 1er décembre 1918 de lire la Déclaration d’union de la Transylvanie à la Roumanie, lors de la Grande Assemblée Nationale d’Alba Iulia. A partir de 1948, il fut mis en détention, alternant des périodes en prison et en monastère. Vers la fin de sa vie, dans un contexte de relative libéralisation du régime de Ceaucescu, quelques visites lui furent accordées. Il fut créé cardinal in pectore en 1969. Cette décision de Paul VI, qu’il avait en réalité refusé car il craignait d’être contraint à l’exil, ne fut révélée que trois ans après sa mort, en 1973. (cath.ch/vaticannews/mp)
Maurice Page
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