En Roumanie, pays-pont entre l’Orient et l’Occident, l’Eglise respire avec ses deux poumons. C’est ce qu’avait relevé le pape polonais au moment de quitter le pays. Si 5 % de la population se dit catholique, entre 85 et 90 % des Roumains confessent leur foi orthodoxe. A ce titre, l’Eglise orthodoxe de Roumanie représente la 2e la plus importante au monde en nombre de fidèles, après celle de Russie.
Jamais encore, le chef de l’Eglise catholique ne s’était rendu dans un pays majoritairement orthodoxe. Avant cette visite pontificale historique, il était presque inimaginable que le successeur de Pierre soit accueilli en ces territoires. En Roumanie, des années de communisme athée ont «laissé des séquelles et des cicatrices dans la chair et dans la mémoire de votre peuple», avait pointé le dernier pape du 20e siècle, avec pour conséquence un climat général de méfiance dans la société.
Pour faire disparaître le cauchemar de la dictature communiste, avait-il alors estimé, il fallait un réel effort de conversion des citoyens dans leur vie personnelle et dans les relations avec l’ensemble de la communauté nationale. Si un tel voyage a pu être organisé, c’est bien parce que le pape polonais avait été invité – de manière répétée – par les autorités politiques du pays.
Ce voyage, avait souligné Jean Paul II, n’aurait pas pu non plus se réaliser sans l’accord du Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe roumaine. «Merci d’avoir voulu être la première Eglise orthodoxe à inviter dans son pays le pape de Rome», avait à ce titre lancé le pontife aux évêques du Saint-Synode de l’Eglise orthodoxe de Roumanie.
Un bémol cependant: à contrecœur, le chef de l’Eglise catholique n’avait pas pu se rendre au-delà de Bucarest. Dans une lettre remise personnellement à chacun des évêques gréco-catholiques roumains, le Polonais avait d’ailleurs exprimé son regret de n’avoir pu rejoindre la Transylvanie, au centre-ouest de la Roumanie. Il leur y expliquait aussi les raisons qui l’avaient conduit à se limiter à la capitale roumaine.
Car en cette fin de siècle et à l’aube du 3e millénaire, les hostilités entre les orthodoxes et les uniates, c’est-à-dire les catholiques de rite byzantin en communion avec Rome, étaient en effet encore vives. Le régime communiste avait supprimé l’Eglise de rite byzantin-roumain unie à Rome, et persécuté – parfois jusqu’à la mort – les membres de ce clergé et ses fidèles. En venant dans ce pays, le souhait de Jean Paul II était que tous arrivent à «déposer les armes pour se rencontrer de nouveau».
Pour ce pape qui a tant œuvré pour la réconciliation des deux blocs qui se faisaient face durant la guerre froide, l’objectif de son voyage était de réconcilier les catholiques et les orthodoxes. «Je suis certain que ma visite contribuera à cicatriser les blessures portées aux relations entre nos Eglises au cours des cinquante dernières années et à inaugurer une ère de collaboration confiante et réciproque», avait-il confié. «Ces jours-ci, expliquait-il, sont des jours de pardon et de réconciliation».
Lors de l’un de ses discours, le pontife polonais avait justement souligné le rôle essentiel des Eglises en Roumanie. Il leur revient d’être des «artisans de paix, de solidarité et de fraternité», avait-il déclaré. Elles ne doivent pas se positionner comme des «antagonistes» mais comme des collaboratrices en vue du bien commun.
C’est ainsi que durant ces trois jours en Roumanie, Jean Paul II s’est affiché à de nombreuses reprises aux côtés des autorités religieuses orthodoxes, notamment Théoctiste, le patriarche d’alors de l’Eglise orthodoxe roumaine. C’est à ses côtés que le pape avait pu entendre une clameur s’élever de la foule : «Unitate, unitate !», ce qui signifie en roumain «Unité, unité !». (cath.ch/imedia/pad/bh)
Bernard Hallet
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