Les Flis, Buka e Kallamojt, Pljeskavica et autres goulaches mettent l’eau à la bouche, mais personne ne pense à y toucher avant que le soleil ne soit complètement passé derrière l’horizon. Seulement un petit garçon téméraire chipe un morceau de tomate dans un plat. Il se fait gentiment réprimander par Hatim, l’un des «piliers» de la mosquée.
Une ambiance chaleureuse et joviale règne parmi la huitantaine de fidèles réunis pour la rupture du jeûne du mois sacré du ramadan, qui s’étend en 2019 du 5 mai au 4 juin. Parmi les habitués du lieu, des invités flânent et discutent en attendant l’heure de la prière. Outre quelques journalistes, des personnalités des institutions publiques ou islamiques sont présentes, dont Pascal Gemperli, secrétaire général de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM) et Montassar BenMrad, président de la Fédération des organisations islamiques de Suisse (FOIS). Le centre islamique a envoyé des invitations ciblées afin de faire connaître cette communauté et échanger au sujet du vivre ensemble, explique l’imam des lieux, Fehim Abazi, lors d’une brève présentation.
A l’heure de la prière, ce 23 mai 2019, alors que l’obscurité tombe sur la zone industrielle de Chavannes-près-Renens, où se situe le Centre albanais, tous rejoignent la mosquée proprement dite, une vaste salle où s’étendent des dizaines de tapis persans. Avant la cérémonie, chacun se voit offrir une datte, afin de pouvoir mieux tenir jusqu’au repas. Sous les invocations de l’imam, les fidèles exécutent les gestes consacrés de révérence à Dieu.
Puis tous se dirigent vers la salle principale où se trouvent le buffet et les tables. Chacun fait la queue dans le calme, d’abord vers la table des mets salés, afin de se rassasier après toute une journée sans eau ni nourriture. Fedil, paysagiste dans la région de Lausanne, assure qu’il n’a rien mangé ni bu depuis quatre heures du matin. «Je n’ai ni soif, ni faim, explique-t-il. Notre corps s’habitue rapidement au manque, et on se sent même en meilleure forme et plus léger».
«Pour cette soirée spéciale, chaque famille a fait un plat différent typique des Balkans», explique Hatim. Il souligne que les personnes fréquentant le centre ne sont pas forcément albanophones. Des Bosniaques et des personnes de langue arabe viennent également prier dans ce lieu de culte ouvert sept jours sur sept. D’origine macédonienne, Hatim vit depuis 25 ans en Suisse et s’estime très bien intégré. Il affirme n’avoir jamais eu aucune difficulté avec la pratique de sa religion et du jeûne. Fedil confirme le respect total que ses collègues de travail ont pour ses pratiques religieuses.
Après s’être servis, les convives s’asseyent aux tables et commencent à discourir dans une joyeuse atmosphère. Une dizaine de femmes, pour la plupart voilées, rechignent un moment à se laisser photographier. «Je ne veux pas me retrouver dans 24 Heures«, lance l’une d’elles en riant.
A l’une des tables du fond, Artigim, un trentenaire rouquin originaire du Kosovo, raconte à cath.ch ses quelques difficultés professionnelles. Il vend des marrons chauds en hiver et des glaces en été, peine à boucler ses comptes, mais ne veut pas se décourager. Selon lui, tous dans la communauté albanophone sont désireux de participer pleinement à la vie du pays et à coexister en harmonie avec le reste de la population. Il assure ne connaître aucun cas de radicalisation dans cette communauté.
Plus tard dans la soirée, Pascal Gemperli prend la parole pour expliquer les enjeux de la demande de reconnaissance officielle récemment déposée par l’UVAM dans le canton de Vaud. Une réalisation qui permettrait de renforcer encore, selon lui, l’intégration des diverses communautés musulmanes de la région.
Après la partie officielle, les convives poursuivent, encore tard dans la nuit, les vives et joyeuses discussions, ainsi que la dégustation des diverses spécialités, dans l’attente d’une nouvelle journée où rien ne passera le cap de leurs lèvres. (cath.ch/rz)
Raphaël Zbinden
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