Trois échantillons de tissu avaient été prélevés sur le Saint Suaire il y a 30 ans, sous supervision du Vatican, puis envoyés dans des laboratoires de trois institutions scientifiques: l’Université d’Oxford, en Grande-Bretagne, l’Université d’Arizona, aux Etats-Unis, et l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich. Les résultats avaient établi, sur la base d’une analyse du carbone 14 présent dans le tissu, que celui-ci avait été fabriqué entre 1260 et 1390 après Jésus-Christ. Cette fourchette de temps correspondait à l’apparition de la relique en France.
Des conclusions que les nombreux experts de renommée mondiale qui se réuniront à Catane remettront en question, à l’occasion de la conférence intitulée «La datation du Saint Suaire: tout est à refaire». «Nous avons pu obtenir les données brutes des études réalisées à l’époque dans les instituts d’Oxford, de l’Arizona et de Zurich, explique l’Italien Benedetto Torrisi, expert en statistiques à l’Université de Catane, qui participera à la conférence. Elles transforment complètement le scénario établi.» La revue scientifique américaine Nature n’avait publié en 1988 que quatre résultats des échantillons. Benedetto Torrisi souligne qu’il en existait plus de 16. Il remarque aussi des problèmes de concordances statistiques entre les résultats des instituts et relève la non-conformité des conditions de prélèvement des tissus. Selon l’expert italien, ces différents éléments invalident les conclusions des trois laboratoires.
Les scientifiques réunis le 23 mai demanderont donc une autre analyse du Suaire. Pour Benedetto Torrisi, il n’est cependant pas sûr qu’une datation sur la base du carbone 14 soit reconduite. D’autres techniques aujourd’hui réputées plus fiables pourraient être utilisées.
Des doutes sur la fiabilité des examens de 1988 existent en fait depuis un certain temps. Le constat avait notamment été fait par le docteur Pierre Mérat en 2017. L’ancien président du Centre international d’études sur le Linceul du Turin (CIELT), interrogé par le média français radioPrésence, soulignait que «la grande majorité de la communauté scientifique considère que les analyses du linceul n’ont pas été faites de façon sérieuse […] Jamais un labo de police ne les aurait prises en compte». Il notait que les prélèvements avaient été faits aux mauvais endroits sur la pièce de tissu. Des résultats contradictoires des différents laboratoires n’avaient également pas été pris en compte. Le cardinal Anastasio Ballestrero, qui avait supervisé l’opération aurait d’ailleurs dit, juste avant de mourir: «Oubliez le carbone 14, j’ai été trompé».
D’autres études prétendant démontrer la non authenticité du Saint Suaire ont été remises en question par des experts. Des recherches britanniques publiées en juillet 2018 avaient notamment conclu, sur la base des écoulements de sang retrouvés sur le tissu, que la relique était un faux datant du Moyen Age. L’étude avait été critiquée par des spécialistes de renommée mondiale pour son manque de rigueur scientifique. (cath.ch/vaticannews/ag/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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