Le film du réalisateur indépendant Tomasz Sekielski commence par le témoignage d’Anna Misiewicz, qui raconte comment un prêtre l’a forcée à le masturber alors qu’elle était âgée de sept ans. Se faisant passer pour le mari d’Anna, le cinéaste filme ensuite en caméra cachée la confrontation de la jeune femme devenue adulte avec le prêtre à présent à la retraite. La Polonaise lui demande pourquoi il a «détruit sa vie». Le prêtre commence par nier, puis avoue finalement tout, parlant d’une «passion stupide» et de possession démoniaque.
Si la première partie du documentaire de deux heures se concentre sur les histoires des victimes et les réactions des prêtres abuseurs, la seconde met en cause les autorités de l’Eglise et de l’Etat pour leur laxisme envers les ecclésiastiques pédophiles. Le documentaire présente notamment le cas du Père Dariusz O. condamné à une peine de prison pour agressions sexuelles sur mineurs et interdit de contact avec les enfants. Tomasz Sekielski le filme à son insu en train de voyager librement dans toute la Pologne et même faire la catéchèse à des enfants.
Le réalisateur révèle particulièrement le soupçon existant sur des figures notoires de l’Eglise polonaise, dont le Père Henryk Jankowski, confesseur de l’ex-président polonais Lech Walesa. Le prêtre proche du mouvement ouvrier Solidarnosc, décédé en 2010, est accusé d’avoir longtemps abusé d’enfants. «Ne le dis juste à personne» pointe également du doigt le pape Jean Paul II et son secrétaire personnel, le cardinal Stanislaw Dziwisz, dont des personnes bien placées affirment qu’ils connaissaient la situation en Pologne mais n’ont rien fait.
Jaroslaw Kaczynski, président du parti Droit et Justice (PiS), dominant en Pologne et réputé proche de l’Eglise, a annoncé suite au film un renforcement de la lutte contre la pédophilie, promettant notamment des peines de prison pouvant aller jusqu’à 30 ans pour les auteurs.
Lors du tournage, les évêques du pays ont refusé de commenter les divers cas soulevés par le film, prétextant notamment de la «partialité» de la production. Des prélats ont toutefois réagi suite à la publication du long métrage. «Je suis profondément ému par ce que j’ai vu dans le film de Tomasz Sekielski. Je demande pardon pour toutes les blessures infligées par les hommes de l’Eglise», a déclaré le primat de Pologne, Mgr Tomasz Polak, dans un communiqué. Le président de la Conférence épiscopale polonaise, Mgr Stanislaw Gadecki, a exprimé «son émotion et sa tristesse».
En septembre 2018, le film de fiction provocateur Kler, du cinéaste Wojciech Smarzowski, a battu tous les records de fréquentation en Pologne. Le long métrage décrit les dérives du clergé en Pologne, notamment la corruption et la pédophilie.
Un rapport présenté le 14 mars 2019 par les évêques polonais sur les abus sexuels dans l’Eglise a en outre été vivement critiqué dans le pays. L’épiscopat a été accusé de minimiser le problème et de rejeter la faute sur les victimes. (cath.ch/ag/rz)
Raphaël Zbinden
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