Le motu proprio du pape vient apporter, en 19 articles, une batterie «d’actions concrètes et efficaces». En premier lieu, le pape exige de tous les diocèses qu’ils mettent en place d’ici un an, un ou des «dispositifs stables et facilement accessibles pour permettre le signalement d’abus sexuels sur mineurs». Le texte en laisse le choix de la forme aux diocèses mais évoque l’institution d’un ‘bureau approprié’.
De plus, désormais tous les clercs et consacrés ont l’obligation de signaler sans délai les abus dont ils auraient connaissance. Si le texte parle d’informations acquises ex officio, il n’évoque cependant pas la question de la révélation d’abus survenue dans le cadre du sacrement de confession. Le pape François avait réaffirmé le 29 mars 2019 que sacrement de la réconciliation n’est soumis à «aucun pouvoir humain».
Les autorités ecclésiastiques doivent s’engager «en faveur de ceux qui affirment avoir été offensés». Outre un accueil, un écoute et un accompagnement, elles doivent offrir une assistance spirituelle et une assistance médicales, thérapeutique et psychologique. Le texte n’évoque cependant pas la possibilité de dédommagements. Autre obligation nouvelle: celle d’informer la personne offensée du résultat de l’enquête.
Le nouveau motu proprio affronte directement les cas où l’auteur présumé des abus sur mineurs est un évêque. L’autorité recevant le signalement doit alors le transmettre au Saint-Siège ou à l’archevêque métropolitain (responsable d’une province ecclésiastique ndlr).
La mesure la plus importante de Vos estis lux mundi est ainsi le rôle confié à l’archevêque métropolitain. Le texte reprend les idées développées par le cardinal Blase Cupich, archevêque de Chicago, lors du sommet sur la protection des mineurs de février dernier. Le métropolitain sera ainsi tenu de demander «sans délai» au Saint-Siège la faculté d’ouvrir une enquête. La rapidité est aussi de mise côté romain, puisque le Vatican doit rendre ses instructions dans les trente jours.
Après accord du Saint-Siège, l’archevêque prend alors la responsabilité de l’enquête. Il doit éviter notamment que des documents puissent être détruits. Chaque mois, le métropolitain doit informer le Saint-Siège de l’avancée de ses travaux. L’enquête – sauf prolongation – doit être conclue en 90 jours.
Pour son enquête, l’archevêque métropolitain peut être assisté de personnes qualifiées. Le pape François spécifie qu’il faut tenir compte de l’aide qui peut être apportée par les laïcs. Les personnes choisies (qui ne sont donc pas obligatoirement des clercs ndlr) doivent prêter serment d’accomplir leur tâche «convenablement et loyalement». Le motu proprio prend également en compte les risques de conflits d’intérêts et prévoit un devoir de récusation des personnes concernées.
Pour le déroulement de l’enquête, le métropolitain peut accéder aux archives des diocèses ou autres institutions. Il peut requérir la collaboration des ordinaires (évêques ou autres responsables). Il peut aussi demander des informations aux autorités civiles. Il a la faculté d’entendre les victimes. Pour éviter toute soustraction de documents, le métropolitain peut en outre décréter des mesures conservatoires.
Le texte précise néanmoins que la présomption d’innocence doit être respectée. Si le Vatican le demande, le métropolitain doit informer l’évêque concerné par l’enquête en cours. Celui-ci peut alors présenter un mémoire de défense et peut se faire aider d’un avocat.
Au plan matériel, les autorités concernées peuvent instituer un fond destiné à soutenir les coûts des enquêtes.
La lutte contre l’étouffement et l’ensablement des affaires d’abus sexuels est un autre objectif majeur du motu proprio du pape. Ainsi, ces mesures s’appliquent également aux évêques qui commettent des «actions ou omissions directes visant à interférer ou éluder des enquêtes civiles ou des enquêtes canoniques, administratives ou pénales». De plus, «tous préjudices, rétorsions ou discriminations» contre l’auteur d’un signalement sont interdits. De même, une personne qui signale un abus «ne peut se voir imposer une contrainte au silence». Ces normes, s’appliquent «sans préjudice» des droits et obligations prévues par les lois étatiques en particulier les éventuelles obligations de signalement aux autorités civiles compétentes.
La citation reprise comme titre de ce motu propio «Vous êtes la lumière du monde», se rapporte à l’évangile de Matthieu (5.14). Pour le pape, cela signifie que les chrétiens doivent être un «exemple lumineux de vertu, d’intégrité et de sainteté». Et pourtant, certains commettent des «crimes qui trahissent la confiance». «Les crimes d’abus sexuels offensent Notre Seigneur, causent des dommages physiques, psychologiques et spirituels aux victimes et portent atteinte à la communauté des fidèles», accuse le pontife. Pour y répondre, il faut une conversion «profonde et continue» mais aussi des «actions concrètes et efficaces». (cath.ch/imedia/xln/mp)
Fruit du sommet sur la protection des mineurs de février dernier au Vatican, ce motu proprio s’inscrit dans le souhait du pape François d’établir des procédures «nouvelles et efficaces». Le motu proprio tient donc compte de l’expérience douloureuse vécue ces dernières années. Le phénomène est «global» et la réponse doit «être universelle et concrète».
Parmi les mesures les plus concrètes, figure l’obligation pour chaque diocèse de disposer de «systèmes stables, facilement accessibles au public, permettant de dénoncer des abus». Le texte fait en outre obligation à tous les consacrés, hommes et femmes, témoins d’un abus ou d’une couverture d’abus, de le signaler à l’évêque ou au supérieur religieux. Sont concernés également les cas d’abus sur consacrés commis par d’autres ecclésiastiques, ou d’abus de séminaristes ou novices de leurs supérieurs.
En confiant le soin à l’archevêque métropolitain d’enquêter dans le cas où un évêque est accusé, le Saint-Siège veut impliquer et responsabiliser les communautés locales, explique encore le cardinal. «Nous procédons à des réformes et à d’importantes innovations», mais «toujours dans la tradition».
Ainsi le mandat d’investigation donné par la Curie romaine à un archevêque métropolitain correspond à la tradition selon laquelle le Saint-Siège peut envoyer un évêque extérieur comme visiteur apostolique. Afin de prévenir tout conflit d’intérêts ou si un métropolitain n’est pas apte à mener l’enquête, le Saint-Siège se réserve le droit de nommer un autre responsable ecclésiastique.
Le cardinal Ouellet n’exclue pas le risque d’augmentation des diffamations contre des innocents. «Mais nous ne pouvons pas refuser de faire la bonne chose simplement parce que cela pourrait parfois être instrumentalisé». (cath.ch/imedia/ah/mp)
Dans l’Église catholique latine, régie par le code de droit canonique de 1983, une province ecclésiastique est un regroupement d’Églises particulières voisines (diocèses) jouissant de plein droit de la personnalité juridique et administré par un archevêque métropolitain assisté d’un concile provincial. Un regroupement de provinces ecclésiastiques voisines forme une région ecclésiastique.
Depuis 2003, le rôle des archevêques métropolitains a été restauré, après avoir perdu pendant de longs siècles sa spécificité hiérarchique. Plusieurs archidiocèses, parfois très anciens, ont perdu leur titre de métropole, au sens ecclésiastique du terme, et sont redevenus de simple diocèses. Depuis 2002, la France compte 15 provinces ecclésiasitiques. La Suisse qui compte six diocèses et deux territoires abbatiaux ne connaît le système de la province ecclésiastique.
Maurice Page
Portail catholique suisse
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