Après plus de 8 ans passés dans le couloir de la mort, Asia Bibi, condamnée pour blasphème avant d’être acquittée le 29 janvier 2019, a enfin pu quitter le Pakistan. «C’est un grand jour, a déclaré son avocat, Saif Ul Malook. Asia Bibi a quitté le Pakistan et est arrivée au Canada. Elle a retrouvé sa famille. Justice a été rendue», rapporte l’ONG Portes Ouvertes. Selon son avocat, la quinquagénaire est arrivée le 8 mai au Canada, où ses filles avaient déjà émigré. Son mari se trouverait également au Canada. Le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a refusé, ‘pour des raisons de sécurité’, de confirmer l’arrivée au Canada de la chrétienne pakistanaise.
L’information a mis un certain temps à être confirmée, car malgré son acquittement définitif, Asia Bibi a dû être transférée régulièrement d’un endroit à l’autre en toute discrétion, afin d’éviter les représailles des islamistes.
Le cauchemar d’Asia Bibi a commencé en juin 2009, lorsque, pendant la récolte, deux femmes lui demandent de l’eau à boire. Elle va chercher de l’eau à un puits près du champ, prend un gobelet avec lequel elle boit une gorgée d’eau, puis ramène un récipient d’eau auprès des femmes. Mais une d’elle refuse de boire l’eau, disant qu’Asia a souillé l’eau du puits parce qu’elle est chrétienne et donc impure (haram). S’ensuit un échange tendu durant lequel les femmes accusent Asia de blasphème. Mais ce n’est que cinq jours plus tard que le mollah local signale le blasphème au commissariat de police. La police intervient alors pour protéger Asia Bibi, menacée par certains habitants, puis pour l’inculper de blasphème.
En 2010, un premier tribunal condamne à mort Asia Bibi. De recours en recours, d’ajournements en ajournements, l’affaire s’éternise devant les tribunaux et prend un tour politique avec une forte pression des groupes et partis islamistes. Deux politiciens de haut rang qui l’ont défendue sont assassinés: le 4 janvier 2011, le gouverneur Salman Taseer, puis le 2 mars 2011, le ministre des minorités religieuses Shahbaz Bhatti.
Le cas d’Asia Bibi attire l’attention internationale et elle reçoit le soutien de très nombreuses personnalités du monde entier, y compris du pape François. Finalement, la Cour suprême du Pakistan, confirme son acquittement en janvier 2019. Cette confirmation suscite de fortes manifestations hostiles dans le pays. Les milieux islamistes font encore une dernière tentative pour l’empêcher de quitter le pays.
Selon l’ONG Portes Ouvertes, plus de 180 chrétiens purgent leur peine dans les prisons du Pakistan pour blasphème présumé. La situation de la minorité chrétienne pakistanaise reste préoccupante. Sous le couvert d’une relative liberté de culte pour les églises historiques, les chrétiens restent fortement surveillés, discriminés à l’emploi et marginalisés. Ces dernières années, de nombreux chrétiens ont fui au Sri Lanka et en Thaïlande à cause des persécutions. (cath.ch/com/mp)
Maurice Page
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