En 1948, les premiers téléviseurs apparaissent dans les foyers français. Le Père Raymond Pichard, prêtre dominicain, qui suivait de près les nouvelles technologies, a l’idée de retransmettre une messe à la télévision. Obtenant un rendez-vous avec André Ory, directeur de la jeune Radio Télévision Française (R.T.F), le Père Pichard lui propose une messe de Noël en studio. «C’est un évènement trop important pour que nous nous contentions du studio. Il nous faut Notre-Dame de Paris!», répond l’homme de médias.
Le religieux dominicain, sans se faire trop d’illusions, se tourne alors vers les autorités religieuses. Il espère obtenir l’aval de l’archevêque de Paris, Mgr Emmanuel Suhard (1874-1949). Contre toute attente, le cardinal donne son plein accord et décide même de célébrer lui-même la messe de minuit. Le Père Pichard n’en espérait pas tant. Et c’est ainsi que s’organisa la diffusion en direct de la messe de Noël à Notre-Dame de Paris. Ce fut une première mondiale. «Cette nuit, qui a vu naître la télévision religieuse, a marqué l’histoire du catholicisme et sa manière de communiquer avec le monde», relève Le Monde Des Religions, à l’occasion des 65 ans de cette messe.
Si l’événement est prophétique, la messe de minuit télévisée représente une aventure technique à part entière. Avant cette messe, la R.T.F. n’a produit que deux reportages en extérieur, dont l’arrivée du Tour de France le 25 juillet 1948, en direct, à Paris. Il a fallu toute une maîtrise de retransmission en direct qui, en dehors du studio Cognacq-Jay, n’en est qu’à ses débuts. Un récepteur installé sur la Tour Eiffel (330 m) a permis de propager les ondes hertziennes sur un rayon de 70 km.
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La R.T.F. a dû commander des câbles sur mesure dans une usine de Lyon pour permettre de couvrir la distance (la nef de 60 mètres) séparant les caméras du car-régie. Les décorateurs ont caché les lourdes caméras derrière de grosses plantes vertes, des cameramen se sont vêtus en aube pour passer incognito. Le Père Pichard, en plus d’être producteur, commentera cette célébration filmée.
Introduire cette messe TV avec le plan de la «Vierge du pilier» de Notre-Dame (évoquée par Paul Claudel) est un choix scénographique partagé tant par les équipes de la R.T.F. que par le Père Pichard. Ce techniquement pourtant impossible. Le réalisateur Claude Barma (1918-1992) ne dispose pas d’assez d’éclairage, malgré les 18 projecteurs installés. Il ne peut pas non plus filmer au-delà du chœur de la cathédrale. Enfin, il lui est impossible de déplacer les trois lourdes caméras dont il dispose jusqu’à la statue.
Une astuce est finalement trouvée par le chanoine Lenoble, qui propose d’apporter une réplique parfaite de la sculpture qu’il possède dans son appartement. «Cette ‘Vierge du pilier’ – ou plutôt la Vierge du chanoine Lenoble – sera la première image religieuse de l’histoire de la télévision!», dévoilera Père Pichard dans ses mémoires.(*)
Notre Dame de Paris est non seulement à l’origine de l’émission Jour du Seigneur, diffusée depuis plus de 70 ans tous les dimanches, sur France 2, elle était également – jusqu’à l’incendie du 15 avril 2019 – le lieu principal de diffusion des messes et offices TV plusieurs fois par semaine sur KTO. (cath.ch/arch/gr)
(*) Yves COMBEAU, L’Evangile en direct, Presses de la Renaissance/CFRT, 2018.
André MORELLE, Raymond Pichard, le dominicain cathodique, Buchet-Chastel/Parole et Silence, 2009.
Grégory Roth
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/notre-dame-de-paris-la-premiere-messe-televisee-de-lhistoire/