«La simplicité est devenue ma condition de vie, là-haut au Vorbourg», jubile l’abbé Bernard Miserez. Elle lui donne la force de vivre sa mission d’accueil et de service. Celui qui était curé modérateur de 13 paroisses, à Bulle (FR) a investi la maison du sanctuaire du Vorbourg, au-dessus de Delémont (JU).
Toutefois Bernard Miserez n’a pas tout rejeté en quittant Bulle. Il a simplement laissé derrière lui un certain poids administratif, la mobilisation d’une équipe, les réunions, parfois superflues, et surtout les soucis de la réussite pastorale et de porter une communauté. «Lorsqu’on lance des projets, on a envie qu’ils aboutissent. Cette activité génère des obligations. Inévitablement, on se trouve en représentation». Il reconnaît qu’il a parfois oublié que l’Esprit travaillait.
Avant de quitter la cure bulloise, l’abbé a aussi donné ses 1200 CD et s’est délesté de ses meubles, de sa chaîne hi-fi et de quantité d’objets. Il est entré au Vorbourg avec quelques bouquins et ses valises. Cet amoureux du design et des belles choses a racheté du mobilier d’entrée de gamme dans un grand magasin. Il a désiré cette simplicité. «Cela ne m’a pas coûté d’efforts. J’ai pu ainsi accueillir ce lieu privilégié et ces conditions de vie si propices à la mission». Il s’est désencombré.
«Du coup, je me suis rapproché de Dieu. Cela a changé mon rapport à Lui, pour qui je suis plus disponible, de même que pour la prière». A la joie de célébrer quotidiennement l’eucharistie – il confie raffoler du moment où il sonne les cloches à 8h20: «Je communique le bonheur d’être ensemble» – s’ajoute une autre joie: consacrer plus de temps aux autres qu’il n’a pu le faire par le passé. Il n’a même jamais eu autant de temps, premier fruit de cette simplicité retrouvée.
Il prend le temps de prêcher. Les homélies tournent parfois au dialogue avec les fidèles. Il sent, certains matins, leur besoin de parler, de poser des questions. Levé à 7h, il prie puis célèbre la messe à 8h30 et à partir de 9h15, il reçoit à la cure. Il est disponible l’après-midi. Un rythme qui s’apparente à une vie monastique.
En fait, il n’est pas rare que le prêtre serve le café à une dizaine de personnes après la messe. Un bon moment relève l’abbé. «Les gens se retrouvent pleinement dans la simplicité. On est sur un terrain qui leur correspond, ils échangent. A bien y regarder, les êtres humains sont faits pour la simplicité. On vient au monde avec cette marque de Dieu». De telles rencontres qualifient la vie.
Tout au long de la journée, on sonne pour échanger, en passant, quelques mots autour d’un café, pour une confession, pour déposer un «trop plein» ou apporter un gâteau. On l’appelle aussi pour prendre rendez-vous. L’occasion d’échanges simples, en vérité. «Jésus ne s’est pas donné ailleurs que dans la simplicité. Relisez l’Evangile: Il n’a pas annoncé le Royaume autrement. Il s’est révélé dans la simplicité. La simplicité que je vis et vers laquelle je dois tendre n’a de sens que pour servir en révélant Jésus».
«Jésus ne s’est pas donné ailleurs que dans la simplicité.»
La simplicité a pour l’abbé Miserez le beau visage de l’amour de Dieu. Toutefois cet état de vie implique une conversion sans cesse renouvelée. Le devoir de regarder ses faiblesses en toute lucidité. «Elle doit permettre de s’accueillir soi-même. C’est un combat!». On ne monte pas au Vorbourg pour fuir le monde.
«Vous n’avez pas idée de ce que provoque la simplicité!» A 65 ans, le prêtre avoue être surpris par tout ce qu’il reçoit et de la gratitude que les gens lui manifestent. Il attribue cette générosité au lieu plus qu’à sa personne. «Le Vorbourg, c’est la simplicité.»
Pour preuve, il sort son natel et déroule le fil de sa messagerie. Il révèle des photos d’aquarelles accompagnées de remerciement que lui a envoyées un chirurgien, venu lui partager un doute le matin même. Il pointe du doigt des messages lui annonçant un bouquet de roses blanches pour la chapelle, une enveloppe bien garnie déposée à la cure pour fleurir le lieu à Pâques. Le veille, il a reçu un bouquet de lys pour fleurir l’autel et des dons. «Je suis vraiment gâté!»
Le prêtre range son téléphone et observe une pause. Il est presque 17h. Le tea-room situé en face de la gare de Delémont s’anime. Le soleil voilé produit une lumière blanche et chauffe les clients à travers la baie vitrée. Effet de serre trompeur pour un mois d’avril.
«En fait, je portais cette simplicité en moi, confie-t-il. Cela me renvoie à mon enfance. Notre vie en famille était simple et heureuse. Mes parents vivaient de la confiance dans une vraie foi». Son papa, chauffeur-livreur de métier, coupait du bois pour compléter ses revenus. Sa maman servait dans un café. Plus tard, ils ont ouvert un restaurant. «On accueillait les gens. Ils se trouvaient ›comme à la maison’». Avec pour fruits de ce labeur une vraie relation aux autres.
En passant la porte du Vorbourg, le Jurassien goûte cette simplicité, de toute évidence inhérente au lieu. A l’écouter raconter sa mission, on devine qu’il savoure cette nouvelle vie, désencombrée et plus près de Dieu. Sans doute y a-t-il retrouvé un parfum d’enfance. (cath.ch/bh)
Bernard Hallet
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