«Jacques Loew a encore quelque chose à nous dire aujourd’hui, son intuition est toujours d’actualité», souligne le chanoine Claude Ducarroz, président de la Fondation qui porte le nom de celui qui a mis sur pied l’Ecole de la Foi à Fribourg il y a 50 ans. La cérémonie sera précédée par une exposition et un spectacle préparé par la MOPP, la Mission ouvrière Saints-Pierre-et-Paul – également fondée par l’entreprenant dominicain -, dont une communauté est présente à Matran, dans l’Unité pastorale Notre-Dame de la Brillaz.
Lors du week-end de l’Ascension, du 29 mai au 2 juin, les amis et les proches de Jacques Loew se réuniront près de Besançon, à Montferrand-le-Château, pour une rencontre de partage. Ils vont surtout «recueillir les fruits d’avenir de la personnalité apostolique» de celui que d’aucuns surnommaient le «docker de Dieu». Celui qui fut l’une des grandes figures des convertis du XXe siècle a marqué toute une génération de chrétiens.
«Fribourg lui doit beaucoup, et lui-même doit beaucoup à la Cité des Zaehringen!», affirme le président de la Fondation Jacques Loew. Le chanoine Claude Ducarroz rappelle que c’est à la Chartreuse de la Valsainte, en Gruyère, que le jeune avocat, né à Clermont-Ferrand dans une famille anticléricale, fait en 1932 une expérience spirituelle décisive qui le mènera à la conversion à la foi catholique en 1934.
Promis à une brillante carrière, le jeune bourgeois est atteint par une tuberculose qui l’oblige à passer deux années dans un sanatorium en Suisse. C’est là qu’il trouve le temps de lire les Evangiles, ce qui le conduit à découvrir la figure du Christ. Il va alors entrer chez les Dominicains, dans l’Ordre des Frères Prêcheurs.
Ordonné prêtre en 1939, Jacques Loew s’engage dès 1941 comme docker sur le port de Marseille, dans un monde alors largement sous-prolétaire, avant que le pape Pie XII n’interdise les prêtres ouvriers en 1954. Mais cela n’entamera pas son engagement pour que l’Eglise reste présente dans les milieux populaires et un monde du travail déchristianisé.
En 1955, déjà, le religieux dominicain fonde la Mission ouvrière Pierre et Paul (MOPP), alors que certains prêtres obtempéraient à l’oukase romain et quittaient leur activité professionnelle, et que d’autres abandonnaient le sacerdoce. C’est donc pour maintenir une forme de présence de l’Eglise en milieu ouvrier que Jacques Loew a créé la MOPP à Port de Bouc, dans le diocèse d’Aix-en-Provence en 1955. La MOPP est devenue entretemps une congrégation religieuse approuvée en 1965 par le Saint-Siège. Son centre international de formation va s’ouvrir à Fribourg en 1967.
Madeleine Delbrêl (1904-1964), une athée convertie à l’âge de 20 ans, qui deviendra une grande mystique française reconnue plus tard «vénérable» par l’Eglise catholique, joua un grand rôle dans la mission de Jacques Loew. C’est en 1942 qu’il rencontre à Ivry, dans la «banlieue rouge» de Paris, celle qui travaillait «aux périphéries», pour paraphraser une intuition fortement remise à jour par le pape François.
Celui qui était surnommé le «chat blanc» en raison de son habit de dominicain, alors qu’il vivait au milieu du sous-prolétariat dans la paroisse de la Cabucelle, dans la banlieue de Marseille, allait être durablement impressionné par celle qui ne voulait en aucun cas séparer l’exercice concret de la charité et l’annonce de l’Evangile. Ce fut d’ailleurs aussi le leitmotiv de Jacques Loew.
En fondant à Fribourg l’Ecole de la Foi en 1969, relève Claude Ducarroz, il voulait, à partir de la Parole de Dieu, consolider de vraies communautés rayonnantes. «A côté d’une connaissance solide de la doctrine, Jacques Loew voulait une Parole célébrée dans la prière et la liturgie, et le plus original et le plus difficile, une Parole vécue en petites communautés de partage quasiment intégral. Pour lui, la Parole se vérifiait dans la vie communautaire…»
A l’Ecole de la Foi, note Claude Ducarroz, qui fut son dernier directeur (de 2001 à 2006, après le Père Jacques Loew, le diacre Noël Aebischer et la Sœur ursuline Marie-Gabrielle Bérard), «on mélangeait des personnes de différentes cultures et continents, qui partageaient le même appartement».
«A partir de ce vécu et d’une vie de foi plus intense, on pensait pouvoir ainsi être un ferment de communauté dans l’Eglise. Mais une telle formule n’est pas partout et toujours exportable, surtout dans ce temps d’individualisme que nous vivons. Mais l’Ecole de la Foi, qui a fermé ses portes en 2006 à Fribourg pour renaître à Yamoussoukro, en Côte d’Ivoire, a été prophétique, et souvent imitée dans de nombreux pays», conclut le président de la Fondation Jacques Loew, qui laissera la présidence après le jubilé, mais restera au sein du conseil de fondation comme vice-président, en tant que délégué de l’évêque, Mgr Morerod. JB
– 1908 Naissance le 31 août à Clermont-Ferrand
– 1929 Avocat au barreau de Nice
– 1932 Séjour chez les Chartreux de la Valsainte
– 1934 Noviciat chez les dominicains à Saint-Maximin (Var)
– 1939 Ordination sacerdotale
– 1941 Début de son engagement comme docker à Marseille
– 1954 Interdiction par le Saint-Siège des prêtres ouvriers
– 1955 Création de la Mission Saints Pierre et Paul (MOPP) destinée à l’évangélisation du milieu ouvrier
– 1960 – 1962 Voyages de Jacques Loew au Sahara, dans des pays de l’Est et en Amérique latine
– 1963 Une équipe de la MOPP s’installe à Sao Paulo au Brésil
– 1965 Le Saint-Siège approuve les statuts de la MOPP comme Institut apostolique
Jacques Loew quitte l’Ordre des dominicains pour se consacrer à la MOPP
– 1967 Installation du Centre de formation de la MOPP à Fribourg
– 1969 Jacques Loew prépare la création de l’Ecole de la Foi à Fribourg
– 1973 Jacques Loew quitte la responsabilité de la MOPP pour se consacrer à l’Ecole de la Foi
– 1973 – 1981 Nombreux voyages, en Amérique, en Afrique et dans les pays de l’Est notamment
– 1986 Jacques Loew se retire peu à peu, à l’Abbaye de Tamié, puis en ermitage
– 1999 Jacques Loew décède en février à l’âge de 91 ans dans l’abbaye cistercienne Notre-Dame de Bonne-Espérance d’Echourgnac, en Dordogne.
Jacques Loew a été l’auteur – ou le co-auteur – de 17 livres et de très nombreux articles. Il a également collaboré à de nombreux ouvrages collectifs.
* (extraits de «Jacques Loew/Le bonheur d’être homme», entretiens avec Dominique Xardel) (cath.ch/be)
Jacques Berset
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