Pape François: l’Europe a oublié que ses habitants ont eux aussi émigré 

Eriger des murs aux frontières pour empêcher les migrations montre «jusqu’où peut descendre l’inhumanité d’une personne», dénonce le pape François dans un entretien vidéo réalisé par le journaliste Jordi Evole Requena et diffusé le 31 mars 2019 sur la chaîne de télévision espagnole La Sexta.

Ce long entretien, marqué par la liberté de ton du pontife, a été réalisé le 22 mars au Vatican. Le 27 mars, un court extrait avait été dévoilé. Dans celui-ci, le pape François dénonçait fermement l’injustice consistant à empêcher des navires d’aller porter secours aux migrants en Méditerranée. Dans la version complète de l’échange, l’évêque de Rome a des mots forts à ce sujet.

Les catholiques appelés à être cohérents avec l’Evangile

«Le principal problème de l’Europe, affirme-t-il, est qu’elle a oublié que ses fils sont allés frapper à la porte de l’Amérique du Nord et du Sud après la guerre». Au sujet des murs entourant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, il estime que «c’est le plus inhumain qui puisse, [cela] démontre jusqu’où peut descendre l’inhumanité d’une personne». Quant aux catholiques qui rejettent l’immigration, «qu’ils lisent l’Evangile, qu’ils soient cohérents».

Initier des processus contre les abus

Interrogé sur la vente d’armes par l’Espagne à l’Arabie Saoudite, l’évêque de Rome assène que des pays qui exportent des armes «n’ont pas le droit à parler de paix. Ils fomentent la guerre dans un autre pays, mais veulent la paix dans le leur ? (…) Si tu armes la guerre là-bas, tu l’auras chez toi, que tu le veuilles ou non!».

Toujours dans l’actualité internationale, mais sur un autre sujet, le pontife concède que la médiation tentée par le Saint-Siège au Venezuela a échoué.

Au sujet des abus sexuels, le chef de l’Eglise catholique déclare comprendre la déception des victimes après le sommet sur la protection des mineurs de février. Alors que celles-ci voulaient des faits concrets, le pontife n’a pour sa part pas cherché à «occuper l’espace» mais à «initier des processus, ce qui prend du temps». Il assure également que les statistiques montrent que les cas d’abus diminuent notablement.

Au cours de l’entretien, le pape corrige une de ses déclarations prononcées au cours du sommet. «Tout féminisme finit par être un machisme avec une jupe», avait-il alors déclaré. Selon lui, il voulait plutôt dire: «tout féminisme court le risque de se convertir en un machisme avec une jupe». Toujours au sujet des femmes, le pape déclare que «nous sommes tous appelés au service, mais il semble que la femme est destinée à la servitude, pas au service». S’il ne s’agit pas tant de donner des fonctions au sein de l’Eglise, il souhaite «promouvoir le style féminin».

Les quatre péchés des journalistes

Autre correction apportée par le pontife: celle prononcée dans l’avion de retour des Pays baltes sur les jeunes enfants qui s’affirment homosexuels. Il avait alors recommandé de les conduire chez le psychiatre. «A ce moment, te vient le mot qui te vient, et tout cela dans une langue qui n’est pas la tienne», explique-t-il à Jordi Evole. «Il ne faut jamais chasser personne du foyer en raison de sa tendance homosexuelle», réitère-t-il avant de dire la même chose au sujet des filles-mères.

Parmi les autres sujets discutés, figure notamment celui des impôts. Si le pape François affirme que les hommes d’Eglise doivent accomplir «tous leurs devoirs de citoyens», il demande en même temps une «exemption» de taxes pour les lieux dédiés au culte ou aux activités sociales et caritatives.

Enfin, l’évêque de Rome dénonce quatre péchés par lesquels les journalistes sont selon lui tentés: la désinformation, la calomnie, la diffamation, et la «coprophilie». Cette dernière, définit-il, est «l’amour pour les choses sales, pour les scandales». (cath.ch/imedia/xln/be)

Jacques Berset

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