447 des 449 prêtres de Bucovine du Nord, en Ukraine, n’ont pas accepté de rallier la nouvelle «Eglise orthodoxe unifiée» promue par le président ukrainien Petro Porochenko, qui y voit un instrument qui «fait partie de notre stratégie pour la décolonisation finale de l’Ukraine» face à Moscou.
Selon les informations du service de presse du diocèse du diocèse de Tchernovtsy-Bucovine, seuls deux de ses prêtres sont passés à la nouvelle Eglise, rapporte le site orthodoxie.com.
«Ces derniers mois, nous avons reçu des menaces, des églises ont été saisies, des calomnies ont été publiées dans les médias ›indépendants’», a déclaré le clergé du diocèse. En janvier de cette année, le clergé du doyenné de Guertsa (Herţa en roumain) du diocèse de Tchernovtsy-Bucovine a déclaré, dans une lettre ouverte aux autorités locales: «Nous restons fidèles à notre Seigneur Dieu, à notre Eglise orthodoxe d’Ukraine canonique en la personne du métropolite Onuphre de Kiev et de toute l’Ukraine».
Une procession a eu lieu le 30 janvier 2019 dans les rues de la ville de Zastavna, dans le diocèse de Tchernovitsy-Bucovine, pour protester contre les saisies des églises appartenant à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. Le métropolite de Tchernovitsy et de Bucovine Mélèce, devant les bureaux de l’administration locale, a protesté contre les transferts illégaux d’églises appartenant à l’Eglise canonique dans le district de Zastavna, déplorant que «le pouvoir observe cyniquement».
Le 21 mars 2019, le président ukrainien Petro Porochenko a rencontré les membres du Conseil pan-ukrainien des Eglises et des organisations religieuses, à laquelle a pris part le Primat de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, le métropolite de Kiev Onuphre. Le président a remercié le Conseil pan-ukrainien des Eglises pour son service et pour constituer un exemple d’unité dans la diversité, pour son aide bénévole à l’armée, pour sa contribution à la libération des prisonniers et des otages.
Petro Porochenko a souligné particulièrement la nécessité de défendre les principes de la liberté religieuse. «En tant que président et garant des droits constitutionnels, je ferai tout ce qui est possible pour défendre la liberté religieuse en Ukraine. La question de la liberté religieuse doit être l’objet de notre activité commune», a alors déclaré le chef de l’Etat ukrainien, ajoutant que «la violence ne peut jamais être la méthode de résolution des problèmes».
Le métropolite Onuphre a remercié le président pour la possibilité de participer à cette rencontre et a déclaré «qu’en ces jours bénis du Grand Carême, l’Eglise nous appelle au repentir, à la continence, la prière et la réconciliation avec le prochain». Soulignant ce qu’est la tâche de l’Eglise au plan spirituel et moral, il a rappelé celle de l’Etat, à savoir se préoccuper du côté matériel de la vie humaine et de faire observer la loi.
«Or, en ces jours du Grand Carême, comme au cours de la longue période qui l’a précédé, a-t-il lancé, il se produit dans le domaine religieux, dans notre pays, des événements qui nous affligent. Je veux dire les saisies d’églises, l’immixtion des représentants du pouvoir dans les affaires ecclésiastiques et d’autres violations du droit. Le métropolite Onuphre a dénoncé en particulier le fait que des chefs des conseils de villages, des conseils municipaux, des chefs des administrations, des députés, convoquent la réunion des communautés territoriales et organisent des votes illégaux pour changer l’appartenance des communautés religieuses et leur faire quitter l’Eglise orthodoxe canonique.
«Nos églises sont saisies par la force, nos communautés sont chassées dans la rue, nos communautés sont contraintes de prier dans des maisons rurales», en particulier les communautés de Volhynie, mais il y a de nombreux cas semblables dans les différentes régions. «Souvent, la police n’intervient pas, elle ne fait qu’observer passivement. Je veux seulement souligner que ce n’est pas nous-mêmes qui nous emparons des églises, ce ne sont pas nos communautés qui font sauter les cadenas de nos églises, comme parfois l’annoncent les medias. Cela est fait par des individus étrangers à l’église, qui n’allaient pas à l’église et qui n’y vont pas».
Le chef de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, qui relève du Patriarcat de Moscou, déplore les violences contre les fidèles, comme ce qui s’est passé dans la ville de Barnovka, dans la région de Jitomir. «Lors du dimanche du Pardon, le député du parti radical Oleg Kovalsky a réuni un ‘conseil’ après lequel il a envoyé près de 400 personnes afin de s’emparer de l’église dédiée à la Nativité de la Mère de Dieu, appartenant à l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. C’est alors qu’environ 150 personnes qui se trouvaient dans l’église, ont été battues, poussées dans l’escalier et hors de la clôture de l’église. Et pour de tels actes illégaux, la provocation de haine interreligieuse, la tentative de saisie d’églises, aucun fonctionnaire ne voit sa responsabilité engagée».
Dans plusieurs régions d’Ukraine, les autorités utilisent des procédures pénales contre les prêtres. «Nous les considérons comme faites sur commande, comme un moyen de pression sur le clergé et les fidèles de notre Eglise orthodoxe d’Ukraine et nous considérons qu’une telle persécution dans une société démocratique est inadmissible et viole le droit de liberté confessionnelle».
Des faits de menaces, d’intimidation, de pressions sur les clercs de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, de discrimination et d’autres violations des droits et des libertés cette Eglise ont déjà été signalés à l’attention du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’homme et publiées dans leur rapport du 12 mars 2019. Et le métropolite Onuphre de souligner que tout ce qui se produit actuellement dans les villages et les différentes régions d’Ukraine se reflète négativement sur l’autorité du président Porochenko, appelé à donner des instructions aux fonctionnaires locaux «afin que cesse cette incitation artificielle au changement d’obédience» et à chercher d’autres voies de l’unité ecclésiale.
Réagissant aux paroles du primat de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, le président a déclaré que ni lui, ni aucune administration régionale n’a envoyé d’instructions pour faire passer les églises d’une obédience à l’autre. (cath.ch/orthodoxie.com/be)
Jacques Berset
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