Ce qui est propre à l’homme est qu’il pense sa vie, et qu’il est capable de choisir une réponse comportementale personnelle, relève Mgr Aupetit. Fort de son expérience de pasteur, mais aussi de celle du médecin qu’il fut pendant onze ans, l’archevêque de Paris sait capter son auditoire à travers ses nombreuses anecdotes et ses bons mots. «Je ne lis pas mes discours». Ce qui n’enlève rien à la qualité de son argument.
L’archevêque de Paris dénonce la vision mécaniciste et utilitariste de l’être humain assez largement répandue aujourd’hui. Pour lui, affirmer que l’homme est une machine dont le fonctionnement est déterminé par ses neurones ou son ADN est non seulement très réducteur, mais représente un sérieux risque pour l’humanité.
Beaucoup de scientifiques ne font pas la distinction nécessaire entre ce qu’ils observent et l’interprétation qu’ils en donnent, note Mgr Aupetit. Voir l’être humain comme une machine plus ou moins bien programmée a une incidence directe sur la notion de la dignité humaine. Ce qui compte est non plus l’être, mais sa capacité à développer toutes ses facultés potentielles.
L’idée de définir ‘une vie qui vaut la peine d’être vécue’ arrive alors d’elle-même. Comment l’enfant à naître, le handicapé, la personne âgée peuvent-ils encore avoir leur place? L’archevêque de Paris est lui-même parrain d’une jeune femme trisomique débordante de joie de vivre. Comment peut-on prétendre que des personnes comme elles n’ont pas une ‘vie digne d’être vécue’? Alors qu’en face des jeunes beaux et tout à fait brillants se suicident par manque de raison de vivre.
Les nouvelles législations sur la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA) ou l’euthanasie, dépendent directement de cette vision anthropologique. Selon le principe utilitariste, la loi est fondée sur le consensus démocratique et non plus sur la morale, c’est-à-dire la notion de bien et de mal. Les droits ne sont plus intrinsèques, mais sont octroyés par la science ou par la société. Ce relativisme permet par exemple de considérer que l’avortement n’est plus un crime mais un droit. Dans une société de la performance, il n’y a plus de place pour l’anomalie. Les normes s’imposent à tous et l’on passe à une société de contrôle, et d’experts en touts genres.
Or les sources du droit remontant à la plus haute Antiquité jugent que le premier rôle du droit est de protéger les droits du plus faible contre le plus fort. En s’éloignant de ce paradigme, les législations contemporaines représentent un vrai défi pour l’humanité. Car c’est bien dans l’accueil de la différence et de la faiblesse qu’une société s’humanise, rappelle Mgr Aupetit.
Face à ce constat, l’archevêque de Paris défend une vision personnaliste. Comme une cathédrale n’est pas qu’un tas de pierres, l’homme n’est pas qu’un amas de cellules. La somme n’est pas le tout. Aucun réseau de neurones n’est capable de penser par lui-même. Chaque personne est bien une individualité propre qui agit selon un système de valeurs en toute liberté et responsabilité.
Il ne faut pas confondre les conditions et la cause. Pour faire de la musique, il faut un instrument et une partition, ce sont les conditions, mais il faut essentiellement un musicien capable de jouer, c’est la cause, image Mgr Aupetit.
Pour beaucoup de contemporains, l’idée de loi divine ou de loi naturelle n’est plus acceptée. C’est pourquoi, il convient d’abord de poser les choses en raison, souligne l’évêque. Ainsi la foi éclaire ce que la raison a déjà découvert. La spécificité de la Bible est l’alliance d’amitié avec Dieu. La loi jaillit d’une relation personnelle d’amour avec Dieu (Logos) qui unifie la pensée, la parole et les actes. «Je mettrai ma loi au fond de leur cœur» (Jer 31,31) Dans l’Exode déjà, la Bible rappelle que la loi morale et le bien ne peuvent pas être fondés sur la majorité, conclut Mgr Aupetit.
Quinze ans après sa naissance, l’institut Philanthropos, à Bourguillon, sur les hauteurs de Fribourg, grandit et évolue. La rentrée scolaire 2019 verra plusieurs changements, mais les fondements ne bougent pas, a expliqué François-Xavier Putallaz, membre du comité de direction de la fondation.
La formation intellectuelle et spirituelle et la vie communautaire restent les trois axes de Philanthropos. Les jeunes hommes et femmes qui s’y forment durant un an acquièrent de solides bases pour leur vie de chrétiens, rappelle le professeur Putallaz.
Les changements sont donc d’ordre essentiellement conjoncturel. L’Institut renforce son insertion dans l’Eglise diocésaine. Les sœurs de Baldegg restent dans la maison, mais elles ont en cédé la propriété à une fondation du diocèse. Le second changement plus significatif est le départ de la communauté Eucharistein qui assumait depuis le départ la direction spirituelle de l’Institut. Cette tâche sera confiée à un prêtre du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg, qui pourra compter sur l’appui de trois dominicains et de trois carmes. L’Abbé d’Hauterive a aussi promis son soutien.
Fabrice Hadjadj reste à la direction de l’Institut. Il sera secondé dans ses tâches quotidiennes par un couple d’anciens qui a accepté de se mettre à disposition.
Le dernier changement concerne la présidence du comité de direction. Le professeur Nicolas Michel qui fut la cheville ouvrière du projet dès ses origines, remet son mandat. Nommé au tribunal de la Haye, il n’a plus les disponibilités nécessaires. (cath.ch/mp)
Maurice Page
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