«Nous tenons à affirmer que les peuples indigènes ne veulent pas d’une relation ‘socio-affective’ avec l’État brésilien. Ils aspirent à avoir une relation (avec l’État) qui respecte leurs droits», a souligné Flávio Vicente Machado, le responsable du CIMI pour le plaidoyer international. Cette entité est liée à la Conférence des évêques du Brésil (CNBB).
Les propos de Flavio Vicente Machado répondaient à une récente déclaration de Damares Alves, ministre brésilienne des Droits humains, de la Famille et des Femmes, à l’ONU, le 25 février 2019. La ministre -et pasteure évangélique- avait en effet garanti l’engagement du gouvernement de Jair Bolsonaro auprès des peuples indigènes en s’appuyant sur le fait qu’elle était elle-même la mère «socio-affective» d’une jeune indigène de l’ethnie kamayurá, adoptée il y a quelques années. D’anciens proches de l’enfant affirment par ailleurs qu’elle a été séparée de sa famille sans l’autorisation de ses parents biologiques. Ce que dément Damares Alves.
Plus pragmatiquement, Flávio Vicente Machado a interpellé, à Genève la politique du gouvernement Bolsonaro: «Que compte faire l’État brésilien avec les innombrables terres indigènes qui restent à démarquer? Quel en est le calendrier? Damares Alves affirme que les peuples indigènes constituent pour elle une priorité. Mais les démarcations de terres sont contrôlées par les ‘ruralistas’ (n.d.l.r les ministres et parlementaires représentant les intérêts de l’agrobusiness)».
Également présente lors de cette rencontre, Glicéria Jesus da Silva, la leader indigène représentante du peuple Tupinambá , originaire du sud de l’État de Bahia, a expliqué à Michelle Bachelet que les menaces dont souffrait son ethnie étaient aujourd’hui le quotidien de la plupart des autres peuples indigènes du Brésil. Et de préciser que depuis l’élection de Jair Bolsonaro à la tête du pays, pas moins de 14 terres indigènes ont été envahies.
Murielle Bachelet a assuré qu’elle était à l’écoute des préoccupations des organisations et a mis le mandat du Haut-Commissariat à la disposition des représentants des diverses organisations pour appuyer leur combat pour le respect de leurs droits territoriaux et culturels. «Je dialogue avec le gouvernement brésilien pour traiter des violations des droits humains dans ce pays», a assuré l’ancienne présidente du Chili.
Lors de l’audience, le CIMI a présenté à la responsable onusienne des chiffres concernant les violences subies par les peuples indigènes. Les auteurs du rapport ont surtout évoqué l’absence de démarcation des terres. Ainsi, en 2018, avant la présidence Bolsonaro, 537demandes de démarcations de terres sur les 847 déposées par les indigènes à travers le pays, n’avaient même pas encore fait l’objet d’une ouverture de procédure légale. 169 en sont à peine au stade du processus d’identification des terres réclamées. 55 terres ont été identifiées, 69 sont en cours de démarcation et 19 terres ont été homologuées.
Le nouveau gouvernement a donc hérité d’une situation déjà préoccupante pour les peuples indigènes. Mais les défenseurs des droits des peuples indigènes soulignent que le scénario pourrait encore s’obscurcir. «Il est important de comprendre que les discours de haine ont été confortés par les urnes. Les groupes radicaux qui soutiennent le nouveau gouvernement –agrobusiness et compagnies minières, évangéliques et militaires- se sont vus accorder le droit d’amplifier les violations des droits des peuples indigènes».
Le missionnaire du CIMI a tenu à expliquer à Michelle Bachelet le processus de consolidation des forces anti-indigènes au sein du pouvoir exécutif. «La Fondation nationale de l’indien (Funai – organisme chargé de faire respecter les droits des peuples indigènes du Brésil), a été dépossédée de ses prérogatives, avec la création d’un Secrétariat foncier, composé de grands propriétaires terriens et de policiers, impliqués directement dans des conflits avec des peuples indigènes».
Sans changer les lois ou modifier la Constitution, la stratégie, comme l’a indiqué Flávio Vicente Machado, consiste à paralyser les démarcations de terres dans des labyrinthes bureaucratiques et nier les droits à la terre des peuples indigènes, pourtant reconnus par la Constitution de 1988″. Avec, à la clé, une insécurité juridique et des expulsions forcées, dans un climat de totale impunité. (cath.ch/jcg/rz)
Raphaël Zbinden
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