L’association prend ses distances avec le contenu du livre du théologien Shafique Keshavjee, un spécialiste des religions originaire d’Inde, né au Kenya en 1955 et arrivé en Suisse en 1963. Le pasteur Timothée Reymond, président du comité de l’Arzillier, regrette qu’un tel ouvrage jette de l’huile sur le feu et soit déjà récupéré sur le plan politique par ceux qui s’opposent à une demande de reconnaissance de la communauté musulmane par l’Etat de Vaud.
Le pasteur Timothée Reymond trouverait utile, à titre personnel, que le Conseil synodal de l’EERV prenne position, car Shafique Keshavjee mentionne toujours qu’il a été pasteur de l’Eglise évangélique réformée vaudoise. Ainsi, beaucoup font le raccourci et pensent qu’il représente le point de vue de l’EERV, voire même celui de l’Arzillier.
Le comité de l’association de l’Arzillier, qui milite pour la paix entre les Eglises, les religions et les spiritualités, considère que cet ouvrage «ne contribue pas à la construction de ponts de convivialité». Un principe ancré dans sa charte et vécu depuis plus de deux décennies dans le canton de Vaud, en collaboration avec d’autres instances en Suisse romande.
Il craint que les prises de position de Shafique Keshavjee «portent atteinte au dialogue constructif et lucide que la Maison de l’Arzillier poursuit avec ses partenaires musulmans, en particulier avec l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM), un dialogue construit au fil des années dans le respect mutuel et une profonde amitié». Le comité de l’Arzillier «refuse toute attitude suspicieuse, car elle empêche le vrai dialogue».
Travaillant à 50% pour la Maison de l’Arzillier, dont il est membre du comité, Dominique Voinçon est le délégué de l’Eglise catholique au dialogue interreligieux dans le canton de Vaud. Il travaille en étroite collaboration avec le pasteur Timothée Reymond. L’ancien journaliste, formé au dialogue avec l’islam dans les années 1980, durant sa formation chez les Missionnaires d’Afrique, les ‘Pères blancs’, et son séjour au Burkina Faso, affirme que cet ouvrage a eu des répercussions dans toutes les communautés chrétiennes.
«Le livre est blessant et ne contribue pas à construire des ponts de convivialité entre nos communautés et nos spiritualités. Il jette le discrédit global sur les musulmans, qui passent tous pour des ‘dissimulateurs’… Cela a blessé nos amis musulmans. C’est comme si derrière chaque catholique, on voyait des complices des fautes et des abus commis dans l’Eglise catholique».
La souffrance de chrétiens victimes de violences et de discrimination de la part de musulmans ne peut être niée, relève-t-il, «mais c’est avant tout le fait de fanatiques». Cela n’enlève rien à la droiture et à l’amitié de très nombreux musulmans. «Il est très important de dire aux musulmans qu’ils sont nos amis, qu’on les respecte, et que nous leur faisons confiance».
Shafique Keshavjee fut pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) pendant une quinzaine d’années. Il s’est engagé dans le dialogue interconfessionnel, notamment dans la création et la présidence du Conseil des Eglises chrétiennes du canton de Vaud, et dans le dialogue interreligieux. Il a été également pendant cinq ans professeur à la Faculté de théologie de Genève.
Le nouveau livre de Shafique Keshavjee, paru dans le cadre de l’Institut pour les questions relatives à l’islam, un Groupe de travail du Réseau évangélique suisse (RES), suscite la polémique, notamment dans les milieux engagés pour le dialogue interreligieux. Le pasteur de sensibilité évangélique veut démontrer, à partir des textes fondateurs de l’islam et de l’histoire, que cette religion porte une vision hégémonique contraire aux valeurs occidentales.
Pour ce spécialiste des religions, l’islam n’est pas une religion comparable au christianisme, comme beaucoup le pensent. Il est certes une spiritualité communautaire, mais il est aussi un projet politique et une stratégie militaire. Shafique Keshavjee affirme que son livre n’est pas «islamophobe» mais révèle les fondements conquérants de l’islam et la haine des non-musulmans qui s’y trouve. A ses yeux, exposer ces fondements n’est pas de l’islamophobie. JB
(*) Comité de l’Arzillier: Timothée Reymond (réformé), président, Faramarz Falahi (baha’i), Dominique Voinçon (catholique), Eliezer Shai Di Martino (juif), Ghania Ziadé (musulmane), Mustafa Habes (musulman). (cath.ch/be)
Jacques Berset
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