L’audience concernant l’appel du cardinal contre sa condamnation a été fixée aux 5 et 6 juin prochains, a précisé le porte-parole de la Cour suprême de Victoria. Il s’agira pour la Cour de décider si le recours est recevable, et si l’ancien ‘numéro trois’ du Vatican doit être rejugé.
Les avocats du cardinal Pell fondent leur appel devant la Cour suprême de Victoria en partie sur le «caractère déraisonnable» de la conclusion du jury, rapporte Catholic News Agency (CNA). Pour eux, les membres du jury populaire ne pouvaient être convaincus, hors de tout doute raisonnable, sur la seule parole du plaignant. Ils dénoncent aussi le fait de ne pas avoir été autorisés à remettre en cause la fiabilité de l’accusateur. Selon eux, la deuxième victime présumée, avant son décès en 2014, avait nié à plusieurs reprises avoir été victime d’abus. Enfin, ils pointent l’absence apparente de preuves ou de témoignages corroborants.
Des fuites dans la presse avaient en outre révélé qu’un jury précédent avait rendu une décision partagée de 10-2 en faveur de l’acquittement de Pell. Pour les avocats du cardinal, la personnalité de l’accusé et le fort tapage médiatique ont également pu influencer leur jugement.
Ils rappellent à ce propos que la condamnation, en 2018, de Mgr Philipp Wilson pour non-dénonciation d’abus sexuels sur mineurs, a été annulée en appel au motif qu’elle visait l’Église en tant qu’institution et ne relevait pas d’une preuve formelle contre Mgr Wilson.
De leur côté, les associations de victimes ont déploré la clémence du verdict et réclament une condamnation exemplaire non seulement de la justice civile, mais aussi de la part de l’Eglise avec le renvoi de l’état clérical du cardinal.
Au Vatican, on ne semble pas vouloir précipiter les choses. La curie s’est contentée d’annoncer l’ouverture d’une procédure canonique contre Mgr Pell, mais il est impossible d’en préjuger l’issue.
Certains rapprochent le cas du cardinal australien de celui de son confrère américain Théodore McCarrick récemment renvoyé de l’état clérical. Mais cette comparaison ne tient pas. D’abord, l’ancien archevêque de Washington a dû faire face à une litanie d’accusations et d’accusateurs, mineurs et adultes, remontant à des décennies. Les faits reprochés sont ni contestables ni contestés. Le cardinal Pell fait face à un seul accusateur en cour criminelle et il maintient son innocence.
Deuxièmement McCarrick n’a, pour l’heure, jamais eu affaire à un tribunal civil, les faits reprochés étant soit prescrits, soit ne tombant sous le coup de la justice pénale. Par conséquent, il n’y avait pas de documents judiciaires ou de transcriptions d’audition de témoins à prendre en considération durant le procès canonique. Face à la solidité et au nombre des accusations, la Congrégation pour la doctrine de la foi a traité le cas McCarrick en utilisant un processus administratif simplifié.
Les avocats canoniques de Pell plaideront certainement eux en faveur d’un procès complet à Rome. Un processus beaucoup plus long et plus complexe qui pourrait prendre au moins autant de temps que le procès civil australien. Les premières étapes du processus canonique impliquent une enquête préliminaire chargée de recueillir des informations disponibles sur les accusations. Cela inclura presque certainement les preuves utilisées par la cour de Victoria pour condamner George Pell. Mais les enquêteurs du Vatican et les canonistes de Pell voudront aussi connaître tout nouveau matériel disponible pendant son appel.
Il est donc fort peu probable que l’enquête vaticane contre Pell commence pour de bon tant que la cour d’appel n’aura pas tranché ou qu’il n’aura pas épuisé toutes les voies de recours.
Les observateurs romains relèvent aussi que pour l’heure le Vatican n’a pris formellement aucune sanction contre le cardinal Pell. Il s’est rendu volontairement en Australie pour se défendre des accusations portées contre lui. Il a certes été ‘remercié’, en décembre 2018, par le pape de sa charge au Conseil des cardinaux, mais son mandat à la tête du Secrétariat à l’économie du Saint-Siège s’est achevé au terme de la période de cinq ans pour laquelle il avait été nommé. Bien qu’en prison depuis fin février, il garde son titre et son rang de cardinal. De là à estimer, qu’à Rome, beaucoup ne sont pas convaincus de sa culpabilité, il n’y a qu’un pas que de nombreux observateurs ont franchi.
L’affaire est donc effectivement loin d’être close. (cath.ch/cna/mp)
Maurice Page
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