Nicolas de Flüe fut canonisé par le pape Pie XII en 1947. La figure de son épouse, de son nom de jeune fille Dorothée Wyss, prit également de l’importance au cours des 40 dernières années. Elle est principalement louée pour avoir soutenu avec responsabilité et sagesse la décision de Nicolas de se retirer en ermite au Flüeli-Ranft, à l’âge de 50 ans. Elle reprit la gestion de la ferme et de la maison familiale, donnant à son mari la possibilité de poursuivre son cheminement spirituel.
Dorothée a cependant, elle-même, peu de chances d’être béatifiée ou canonisée, explique le théologien Peter Spichtig. «Historiquement parlant, nous n’avons pas assez de données sur elle», assure le représentant de l’Institut liturgique de la Suisse allemande. Ces reconnaissances sont généralement données à des personnes décédées qui ont été des exemples remarquables de sainteté chrétienne, souligne-t-il. Il s’agit inévitablement de personnes ayant eu résonnance publique. Or, on ne connaît même pas la date de la mort de Dorothée. «Elle est victime d’une historiographie centrée sur la figure masculine», affirme Peter Spichtig.
En revanche, pour le spécialiste de la liturgie, il y a de bonnes chances que le pape autorise le culte de Nicolas et Dorothée en tant que couple marié saint. Selon le théologien, le couple représente de bons modèles de rôles au sein d’une union, en particulier dans une conception moderne du mariage. Au lieu d’opter pour une rupture, ils ont choisi de poursuivre leur union de manière constructive. Ils ont montré que le mariage pouvait être une situation offrant des possibilités de développement individuel.
La vénération par beaucoup de fidèles de Dorothée et Nicolas ensemble est depuis longtemps une réalité. Le culte est ici également une expression spontanée de la piété populaire, explique Peter Spichtig. Avec la béatification et la canonisation, l’autorité ecclésiastique veut officialiser cette réalité.
Il est rare qu’un pape permette le culte d’un couple, mais ce ne serait pas une première. Cela a été le cas avec les parents de Thérèse de Lisieux. Louis et Zélie Martin ont été béatifiés en 2008 et canonisés en 2015. Pour Peter Spichtig, la vénération d’un couple, au-delà des individus, est une idée «belle et moderne».
Ursula Bründler, directrice du Centre Ranft, sis près du lieu d’ermitage de Frère Nicolas, salue l’initiative de la CES. «C’est seulement grâce à Dorothée que Nicolas a pu survivre, travailler et inspirer les générations futures. La sollicitude et l’ascèse doivent se conjuguer, estime-t-elle, pour que l’homme porte des fruits et devienne un instrument du divin».
L’abbé Daniel Durrer, président du conseil de la Fondation Frère Nicolas, soutient également la demande des évêques. «La Fondation se réjouit et encourage la prise de conscience du fait que le couple Dorothée et Nicolas est exemplaire et, en ce sens saint, souligne-t-il. Notre société et l’Eglise d’aujourd’hui ont besoin de nouveaux modèles pour les relations au sein du mariage». (cath.ch/kath/uab/rz)
Raphaël Zbinden
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