La pacification du Soudan du Sud fortement compromise, déplorent les évêques

Au Soudan du Sud, l’accord de paix conclu en septembre 2018 entre le président Salva Kiir et Riek Machar, son ancien vice-président devenu un farouche opposant, était censé mettre un terme à la sanglante guerre civile qui déchire le pays depuis décembre 2013. Cet accord, qui devait déboucher sur la formation d’un gouvernement de transition, est en danger, déplorent les évêques catholiques du pays.

L’accord de paix est voué à l’échec, déplorent les évêques, qui se disent pessimistes, car les problèmes fondamentaux à la base du conflit n’ont pas été réglés. Les combats et les massacres de civils ont déjà fait des centaines de milliers de morts et près de quatre millions de déplacés, et ruiné ce pays indépendant depuis juillet 2011. Ils craignent également que les dirigeants actuels n’aient pas la volonté de mettre en œuvre la paix.

Les parties prêtes à reprendre les combats

Réunis en Assemblée plénière du 26 au 28 février 2019 dans la capitale Juba, les évêques catholiques du Soudan du Sud déplorent les violations de l’accord de paix, tant par le président Salva Kiir que par le chef rebelle Riek Machar. Une déclaration qui intervient alors que le président Salva Kiir est attendu dans quelques jours chez le pape François. Dans un communiqué publié suite à leur rencontre, les prélats expliquent que les parties sont prêtes à reprendre les combats. Après la période d’espoir vécue en septembre dernier, l’horizon s’assombrit, note Vatican News.

Le constat des évêques est sans appel: «le niveau d’intensité du conflit a été réduit mais l’accord de cessation des hostilités ne tient pas». Selon eux, «toutes les parties sont engagées soit dans des combats soit dans des préparations de guerre», et ne se préoccupent pas des causes profondes du conflit.

Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité

«La valeur de la vie humaine et la dignité sont oubliées et les violations des droits humains continuent dans l’impunité, notamment les meurtres, les viols, les violences sexuelles, le pillage et l’occupation de terres et de propriétés appartenant aux civils», alertent les évêques.

Le Soudan du Sud a sombré dans la guerre civile en décembre 2013, lorsque le président Salva Kiir, de l’ethnie Dinka, a accusé Riek Machar, son ancien vice-président et membre de l’ethnie Nuer, de fomenter un coup d’Etat. Le conflit est marqué par des atrocités à caractère ethnique et par le recours au viol comme arme de guerre. Il a poussé plus de quatre millions de Sud-Soudanais (soit près d’un tiers de la population) à fuir, et a également été marqué par la violation d’accords de paix et de cessez-le-feu.

Juger les criminels

Ce n’est pas la première fois que l’épiscopat du pays s’exprime sur le processus de paix, en réclamant davantage d’efforts et en formulant des propositions. Cette fois-ci, les prélats demandent au président Salva Kiir de s’engager «de façon constructive» avec toutes les parties prenantes pour que l’accord de paix soit respecté.

Ils réclament aussi des mesures concrètes: la fin de l’état d’urgence pour assurer la liberté d’expression et d’autres droits démocratiques, la libération des prisonniers politiques et des prisonniers de guerre, des procédures judiciaires adaptées. Ils dénoncent le fait que l’aide humanitaire ne puisse pas parvenir dans de nombreuses régions, et que beaucoup de parents n’aient pas accès aux soins pour leurs enfants. Plus d’un million et demi d’habitants sont menacés par la famine, et six millions souffrent déjà de la faim.

L’Eglise s’engage pour la réconciliation nationale

Pour l’épiscopat Sud-Soudanais, la résolution du conflit passe aussi par un dialogue national «sincère et global», notamment entre les différentes tribus du pays. Ils recommandent donc l’implication des chefs traditionnels pour «renforcer la compréhension et contribuer à la mise en œuvre complète de l’accord» signé le 12 septembre 2018 en Ethiopie. Les responsables religieux et les responsables de la société civile devraient quant à eux jouer un rôle majeur dans la réconciliation nationale de ce pays aux trente-deux Etats, profondément fragmenté par les tensions communautaires.

Les évêques assurent que l’Eglise catholique continuera à utiliser la prédication, l’enseignement et les réseaux pastoraux pour créer un climat propice à la paix et à la réconciliation. Elle jouera aussi son rôle au sein du Conseil des Eglises du Soudan du Sud, actif dans le processus de paix. Toutes ces mesures, bien suivies, «créeront un environnement politique, social et économique favorable», permettant enfin à la population de «bénéficier des dividendes de la paix», concluent les évêques, cités par Vatican News. (cath.ch/vaticannews/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/la-pacification-du-soudan-du-sud-fortement-compromise-deplorent-les-eveques/