«Attentive aux signes des temps, AdC veut être plus agile» (*), lance Bernd Nilles, directeur d’Action de Carême.
En un demi-siècle, les temps ont changé, et l’évolution du contexte socio-économique et politique au plan suisse et international s’accélère, dans un monde de plus en plus interconnecté. Il n’y a qu’à penser à la globalisation des échanges et au rapide changement climatique. Raison pour laquelle l’approche des œuvres d’entraide chrétiennes s’adapte aux nouveaux défis d’un monde globalisé.
Comme le veut le pape François dans son encyclique Laudato sì, qui prône une «conversion écologique», Action de Carême milite pour une approche holistique de l’environnement, une conversion de la société tant sur le plan environnemental que sur les plans économique, social et sociétal.
Outre les interventions dans le champ politique pour davantage de solidarité avec les populations du Sud et les activités de sensibilisation en Suisse sur des thèmes comme la justice climatique ou l’économie durable, Action de Carême, tout comme PPP, s’engage sur le terrain. Bernd Nilles rentre de Samar, une île des Visayas, au centre de l’archipel des Philippines, où il a rencontré des pêcheurs. Leur vie est grandement affectée après le passage du dernier typhon. «Il y avait auparavant chaque année trois typhons, déjà puissants, mais maintenant il y en a cinq, et bien plus dévastateurs…»
«On peut ainsi documenter l’impact du changement climatique sur les populations les plus pauvres, les plus vulnérables. Outre le plaidoyer que nous faisons en Suisse en ce qui concerne le changement climatique, nous travaillons sur place avec des partenaires pour que ces populations s’adaptent à la nouvelle situation, dans le but de réduction des risques. Nous soutenons ainsi la mise en place de plans de fuite en cas de tempête, ou un programme d’élevage de poissons plus près des côtes, parce qu’il est de plus en plus dangereux de se rendre au large…»
Mais, souligne le directeur d’Action de Carême, «nous ne devons pas oublier notre propre responsabilité ici, en Suisse, notamment l’empreinte climatique (production de Co2) que laisse notre mode de vie. Il est réjouissant de voir les écoliers et les étudiants se mobiliser pour le climat».
AdC a commencé à proposer depuis une année une formation pour des gens intéressés, dans le cadre des ‘conversations carbone’. Elles s’adressent à toute personne voulant progresser résolument vers un mode de vie plus sobre en gaz carbonique. «Cela existe déjà en Suisse romande, et on va commencer en Suisse alémanique. Des participants ont déjà réussi à diminuer leur empreinte carbone de 50%!».
L’œuvre d’entraide participe à des recherches sur les investissements suisses dans le charbon, «alors que la population en Suisse souhaite apporter sa contribution pour lutter contre le changement climatique, en appuyant l’Accord de Paris sur le climat».
En ce qui concerne les activités nuisibles à l’environnement et la violation des droits des populations locales, dans les pays du Sud, commise par des firmes multinationales basées en Suisse, les œuvres d’entraide ont longtemps cherché le dialogue. «Mais nous nous sommes aperçus que les mesures volontaires n’ont rien donné… Pour que cela change, nous avons besoin de règles obligatoires», relève le directeur d’Action de Carême.
«C’est parce que, dans un monde globalisé, certaines entreprises suisses sont complices de violations des droits humains que nous avons lancé, avec une coalition de 110 organisations de la société civile, l’initiative pour des multinationales responsables¸ pour que ces multinationales basées en Suisse respectent les droits humains et les standards environnementaux dans leurs activités à l’étranger», poursuit l’expert en développement durable.
«Alors que nous subissons des pressions de la part d’Economie Suisse et de l’USAM, l’Union suisse des arts et métiers, nous avons reçu en même temps le soutien d’un fort comité économique d’une centaine d’entrepreneurs. En effet, de nombreux patrons soutiennent l’initiative, conçue pour protéger les petites et moyennes entreprises en Suisse», affirme Bernd Nilles. Les Eglises sont également nombreuses à défendre cette initiative, dont le comité est co-présidé par Dick Marty, ancien procureur général du canton du Tessin, et ancien député au Conseil des Etats.
Le Conseil national a accepté un contre-projet à l’initiative, et le Conseil des Etats en général est aussi favorable à des mesures contraignantes. «Mais quelques politiciens veulent faire des changements de détail, qui sont dangereux: ils veulent que les victimes des activités des multinationales s’adressent aux tribunaux nationaux, avant d’arriver devant les instances judiciaires suisses. Mais souvent les plaignants, des défenseurs des droits humains ou de l’environnement, sont assassinés durant la procédure dans leur pays. Beaucoup de partenaires d’AdC subissent des menaces de mort en raison de leur engagement !»
C’est le cas au Brésil, où le Conseil indigéniste missionnaire (CIMI), partenaire d’AdC, est dans le collimateur du gouvernement Bolsonaro. «La violence et les menaces contre les populations indigènes, notamment en Amazonie, et les ONG qui les défendent, sont en nette augmentation!» Suite à une lettre d’AdC à Ignazio Cassis, qui avait suscité la polémique lors de sa visite en Zambie d’une mine de cuivre exploitée par le géant anglo-suisse Glencore, le Département fédéral des Affaires étrangères a invité Bernd Nilles ainsi qu’une partenaire d’AdC et PPP originaire d’un pays africain à une entrevue à Berne. Le directeur d’AdC espère que ce soit là le début d’une discussion positive, car jusqu’à présent, le Conseil fédéral priorise des mesures volontaires pour que les multinationales suisses respectent les droits humains et les standards environnementaux dans leurs activités à l’étranger. JB
(*) La direction d’Action de Carême a été remaniée dans le consensus, après un processus participatif. Elle se compose désormais de quatre personnes: le directeur Bernd Nilles, ainsi que Markus Brun, responsable de la coopération internationale et adjoint au directeur, Matthias Dörnenburg, responsable de la communication, et Miriam Troxler, responsable des services.
La réduction de la taille de la direction est le résultat d’une évaluation interne de la structure d’Action de Carême. Elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie 2017-2022. Daniel Hostettler, qui était co-responsable de la coopération internationale au sein de la direction, reste cependant responsable du «programme international». Sonja Kaufmann, qui partageait la responsabilité du domaine de la communication, a décidé de travailler auprès de l’unité de pastorale psychiatrique de l’hôpital universitaire psychiatrique de Zurich. JB
Ayant vécu à Krefeld, une ville du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, Bernd Nilles, qui fêtera ses 49 ans le 14 juillet prochain, vient d’une famille originaire de l’ancienne Allemagne de l’Est, ce qui le rend sensible aux réalités de l’oppression. Il a commencé son activité au plan international comme volontaire dans le Mouvement de la Jeunesse Catholique et comme militant des droits humains, ce qui l’a amené à travailler en Colombie et comme chercheur assistant à l’Université de Duisbourg-Essen, dans la Ruhr, ainsi qu’à l’Institut pour le développement et la paix INEF, lié à cette même Université.
Après ses diplômes/masters en sciences sociales et politiques, il a été engagé en 2003 par l’œuvre d’entraide allemande Misereor, avant de travailler, dès 2005, pour le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie dans le domaine de la coopération au développement et du développement durable. Il est devenu secrétaire général de la CIDSE en 2008, et est depuis avril 2017 directeur d’Action de Carême à Lucerne. JB
Depuis 50 ans, Pain pour le prochain et Action de Carême s’engagent dans la campagne œcuménique pour un monde plus juste. L’engagement en faveur des droits humains et de la dignité de chacun et de chacune est le fil rouge des campagnes menées au cours des dernières décennies. Ce sera également le cas pour la campagne 2019, qui met le renforcement des droits des femmes au cœur des préoccupations.
Sœur Nathalie Kangaji, avocate et coordinatrice du Centre d’aide juridico-judiciaire en République démocratique du Congo, sera l’hôte de cette campagne en Suisse romande. Sa mission ? Donner une voix aux personnes qui luttent quotidiennement contre les impacts négatifs des multinationales. Du 15 au 31 mars, Sœur Nathalie partagera son expérience et fera part des succès obtenus lors de nombreux événements.
Dans une compilation de 50 portraits qui relatent brièvement leur histoire, on peut aussi découvrir le parcours de femmes extraordinaires qui défendent leurs droits et leurs moyens de subsistance et luttent pour une économie qui respecte les droits humains et préserve l’environnement. Ces 50 portraits de femmes feront l’objet d’une exposition qui aura lieu lors de la Soupe du jubilé des 50 ans de la campagne œcuménique le 13 avril à Berne. (cath.ch/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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