Le pape François avait lui-même mis en garde publiquement: les attentes vis-à-vis du sommet sur la protection des mineurs étaient parfois trop élevées. Mais le même pape François a ravivé les attentes dans ses mots d’ouvertures de la rencontre, en déclarant en espérer des «mesures concrètes et efficaces».
Pendant trois jours et demi, les interventions fortes se sont succédé. Mais au moment de son discours conclusif, le pontife a étonné, voire déçu. Plutôt que de partir des abus dans l’Eglise pour élargir à ceux dans la société entière, il a suivi le chemin inverse. La responsabilité personnelle des évêques n’a été qu’effleurée dans ce discours pourtant long. Quant aux mesures concrètes, il a fallu se contenter d’une annonce sur la définition de la pédopornographie. Si le sujet est certes important et actuel, il n’en constituait pas pour autant le cœur de la rencontre.
Cependant, l’Eglise catholique n’est pas un parti politique ou un Etat. Elle ne compte pas sur les ›annonces’ pour se transformer, mais sur la conversion des cœurs. La présence du pontife, évêque au milieu des évêques, pendant la liturgie pénitentielle, était ainsi particulièrement significative.
L’organisation millimétrée du sommet et en particulier le souci d’inclure et d’entendre des victimes hommes et femmes du monde entier également. Après quatre jours de rencontre, tous les présidents des conférences épiscopales ont pris conscience tant de l’ampleur que de l’urgence du problème. Et c’est bien cela que le chef de l’Eglise catholique attendait.
Cela se retrouve dans les trois mesures annoncées par le Père Federico Lombardi, modérateur de l’événement, juste après la conclusion de celui-ci: un motu proprio et une nouvelle loi pour le Vatican, un vadémécum pour accompagner les évêques et des task forces pour aider les conférences épiscopales à élaborer des mesures efficaces.
Ces annonces montrent bien que pour le pape le premier enjeu est au niveau local, et pas à celui de l’Eglise universelle ni du Saint-Siège. Par ces trois mesures, le Vatican montre l’exemple mais n’impose pas. En effet, chaque conférence épiscopale doit compter avec ses spécificités culturelles et son cadre légal propre.
Que chaque conférence épiscopale prenne des mesures concrètes et efficaces pour lutter contre les abus sexuels sur mineurs et empêcher l’ensablement: voilà l’objectif du sommet pour le pape François. Si cela reste encore à concrétiser, il semble que chaque évêque présent retourne désormais dans son pays avec une forte volonté en ce sens. Encore faudrait-il que les procédures mises en place soient efficaces et soient suivies, ce qui reste encore une gageure.
De plus, le sommet aura permis de mettre en évidence plusieurs autres points. L’exigence de transparence et de communication a été martelée par la journaliste Valentina Alazraki, une journaliste mexicaine d’expérience, qui couvre l’actualité du Vatican depuis 45 ans. Le cardinal Reinhard Marx, président de la conférence des évêques allemands, a insisté sur l’importance des archives et de leur préservation.
L’erreur des évêques et les manquements à leurs responsabilités ont été soulignés par plusieurs, dont Mgr Mark Coleridge, archevêque de Brisbane, en Australie. Linda Ghisoni, sous-secrétaire du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, au Vatican, a permis de comprendre l’importance d’inclure les femmes et les non-consacrés dans les décisions et discernements de l’Eglise.
Le sommet sur la protection des mineurs n’a donc pas permis de répondre à toutes les attentes. Le pape François s’en doutait, mais a courageusement décidé de l’organiser malgré tout. Pour lui, tout important que ce sommet était, il n’en était pas moins qu’un pas sur un chemin déjà débuté et encore long. Maintenant que toutes les conférences épiscopales ont compris l’urgence, d’autres problèmes pourront être affrontés.
Comme celui du secret pontifical qui pèse sur les procédures canoniques. Coorganisateur du sommet et homme-clef dans la lutte contre les abus, Mgr Charles Scicluna semble bien en avoir fait son prochain cheval de bataille. Pour lui, si la confidentialité est nécessaire, ce degré peut est in fine «contre-productif» dans les cas d’abus. Le chemin est encore long ! (cath.ch/imedia/xln/be)
Jacques Berset
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