Le sentiment «d’une vie gâchée»
«Depuis l’âge de quinze ans, j’entretenais des relations sexuelles avec un prêtre. Cela a duré treize ans de suite. J’ai été enceinte trois fois, il m’a fait avorter trois fois (…) Et dans cette relation, je n’avais pas le droit d’avoir de petit ami. A chaque fois que j’en avais, qu’il savait, il me battait (…) J’ai le sentiment d’avoir une vie gâchée. J’ai subi tellement d’humiliations dans cette relation que je ne sais pas ce que l’avenir me réserve. Cela fait que je suis très prudente dans mes relations actuellement.»
«Qu’est-ce qui m’a le plus blessé? Quand je réfléchis à cette question, je repense à la pleine conscience de la perte totale de l’innocence de ma jeunesse et comment cela m’a affecté? C’est ce qui m’a le plus blessé et ce que je porte avec moi aujourd’hui».
Le manque d’écoute de l’Eglise
«Pour un catholique, la chose la plus difficile est de pouvoir parler d’abus sexuels, (…) la première chose à laquelle j’ai pensé était: je vais tout raconter à la Sainte Mère Eglise, où ils vont m’écouter et me respecter. La première chose qu’ils ont fait était de me traiter de menteur, de me tourner le dos et dire que moi et d’autres étions des ennemis de l’Eglise. Il s’agit d’un modèle qui non seulement s’est produit au Chili, mais s’est passé dans le monde entier, et cela doit cesser.»
«Vous êtes les docteurs des âmes et pourtant, à de rares exceptions près, vous vous êtes convertis, dans certains cas, en meurtriers des âmes, en assassins de la foi. Quelle terrible contradiction. Je me demande ce que Jésus pense, ce que Marie pense, quand elle voit ses propres pasteurs, être ceux qui trahissent les brebis.»
«Chaque fois que j’ai parlé avec les responsables provinciaux et les supérieurs majeurs, ils ont tous pratiquement couvert chaque problème, couvert les coupables et cela me tue parfois. Cela fait longtemps que je dirige ce combat dans cette bataille… et la plupart des supérieurs, en raison d’amitié entre eux sont incapables d’arrêter les agresseurs.»
«L’autre chose qui m’a blessé a été l’évêque a» qui, apre»s de nombreuses années, en tant qu’adulte, j’ai parlé de ce qui s’est passé. Je suis allée le rencontrer avec mon provincial. J’ai d’abord écrit une lettre a» l’évêque, six mois apre»s une entrevue avec le prêtre. L’évêque ne m’a pas répondu et apre»s six mois, j’ai écrit au nonce. Le nonce a réagi en manifestant de la compréhension. Puis j’ai rencontré l’évêque et il m’a attaqué sans essayer de me comprendre, et ça m’a blessé.»
Des attentes très fortes vis-à-vis des évêques
«D’abord, le pardon faux, le pardon forcé ne fonctionne pas. Les victimes ont besoin d’être considérées, respectées, soignées et réparées. Vous devez guérir les victimes, vous devez être avec elles, vous devez les croire, vous devez les accompagner».
«Je vous demande, s’il vous plaît, de coopérer avec la justice, de prendre particulièrement soin des victimes, que ce qui se passe au Chili, c’est-à-dire ce que fait le pape au Chili, se répète comme un modèle dans d’autres pays du monde. Nous voyons chaque jour la pointe de l’iceberg, quand l’Eglise a voulu dire que c’est fini, les cas continuent à émerger, pourquoi? Parce que vous procédez comme quand vous voyez un cancer, vous devez traiter tout le cancer, ne pas seulement enlever la tumeur, vous devez faire la chimiothérapie, vous devez faire la radiothérapie, vous devez faire des traitements. Ce n’est pas enlever la tumeur et c’est fini (…) J’espère que le Seigneur et Marie vous éclaireront, et qu’une fois pour toutes, nous collaborerons avec la justice, et nous extirperons ce cancer de l’Eglise, parce qu’il veut en finir avec l’Eglise. Et c’est ce que veut le démon.»
«Qu’est-ce que je voudrais dire aux évêques? Qu’ils écoutent ces personnes, qu’ils apprennent à écouter les personnes qui parlent. Je voulais que quelqu’un m’écoute, que l’on sache qui est cet homme, ce prêtre et ce qu’il fait. Je pardonne de tout coeur à ce prêtre et à l’évêque. Je remercie Dieu pour l’Eglise, je suis reconnaissant d’être dans l’Eglise. J’ai beaucoup d’amis prêtres qui m’ont aidée.»
«Quand on aime quelqu’un, on pense à son avenir, on pense à son bien-être. On n’abuse pas de la personne comme ça. (…) Les prêtres, les religieux, ils ont les moyens pour aider et ils ont aussi les moyens pour détruire. Il faut qu’ils se comportent en responsables, en personnes avisées.» (cath.ch/imedia/rz)
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
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