Le pape polonais, qui avait refusé la main tendue du prêtre-ministre agenouillé sur le tarmac de l’aéroport de Managua, avait alors ordonné au Père Cardenal de respecter les prescriptions canoniques. Le religieux était sommé de démissionner de son poste gouvernemental, au moment même où le Nicaragua était soumis à la sanglante agression des ‘contras’ financés et dirigés par les Etats-Unis. Face à son refus de quitter son poste, ce partisan de la théologie de la libération sera, en janvier 1985, suspendu a divinis par la Congrégation pour la doctrine de la foi, l’interdisant de célébrer tout sacrement.
Le Père Ernesto Cardenal, qui avait participé avec son frère jésuite Fernando (qui sera lui-même ministre de l’Educationdans le gouvernement de Daniel Ortega) à l’insurrection sandiniste ayant provoqué en juillet 1979 la chute du dictateur Anastasio Somoza, se voyait ainsi infliger une très sévère sanction romaine. Le prêtre très charismatique, au sempiternel béret noir vissé sur la tête, connu bien au-delà du Nicaragua pour ses écrits et ses poèmes (comme Psaumes ou El Evangelio de Solentiname), fut en butte à la vive hostilité de certains milieux conservateurs bien en cour à l’époque au Vatican.
Pendant 35 ans, le Père Cardenal fut interdit de dire la messe ou de célébrer les sacrements. Après tout ce temps, le pape François a donc décidé «avec bienveillance d’abolir toute les censures canoniques» pesant sur le religieux, indique un communiqué de la nonciature apostolique à Managua. Cette décision fait suite à une demande du prêtre.
Durant toute la durée où les sanctions lui ont été imposées en raison de «son militantisme politique» au sein du régime sandiniste, salue le communiqué, le Père Cardenal les a respectées. De plus, il a «abandonné tout engagement politique depuis de nombreuses années». Ernesto Cardenal avait laissé le champ politique en 1994 et quitté le Front sandiniste de libération nationale (FSLN), protestant contre la dérive autoritaire de son chef, le président Daniel Ortega.
C’est Mgr Waldemar Sommertag, nonce apostolique au Nicaragua, qui a apporté le message annonçant la décision du pape François de lever la censure contre le Père Cardenal, à l’Hôpital Vivian Pellas de Managua, où le vieux prêtre est hospitalisé depuis le 4 février 2019 pour une infection rénale. Mgr Sommertag a concélébré avec lui la messe à l’hôpital dimanche 17 février. Depuis son lit d’hôpital, le Père Ernesto a fait part au nonce apostolique de sa gratitude envers le pape François. (cath.ch/imedia/nuevodiario/be)
Jacques Berset
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