Le conflit oppose depuis des années le diocèse de Coire à la corporation ecclésiastique des Grisons, dans le contexte de système dual spécifique à la Suisse. Le diocèse de Coire représente ainsi les instances canoniques de l’Eglise, qui s’occupent d’abord des questions de conduite de l’Eglise, de pastorale, de l’annonce de l’Evangile et des sacrements. La corporation ecclésiastique est, elle, un organe de droit ecclésiastique public, chargé surtout des questions administratives, des finances et de la gestion des biens fonciers et immobiliers.
En 2012, Martin Grichting, vicaire général du diocèse de Coire, avait demandé à la corporation de cesser son soutien financier à «Adebar», active notamment dans le conseil aux jeunes filles et aux femmes sur leur sexualité et leur grossesse. Les autorités diocésaines estimaient que l’association soutenait la contraception et l’avortement. Elles considéraient inadmissible d’utiliser l’argent de l’impôt ecclésiastique «pour soutenir une institution opposée aux valeurs catholiques».
La corporation ecclésiastique a cependant refusé de stopper son financement. Elle avait toutefois, à l’époque, conditionné le soutien à l’assurance que les fonds soient utilisés en conformité avec l’enseignement catholique, selon un communiqué de presse transmis le 30 janvier par Thomas M. Bergamin, président de la Commission administrative de la corporation. En 2013, le diocèse a fait appel à la Commission de recours de la corporation. Après avoir été débouté, l’évêché avait porté l’affaire jusqu’au Tribunal administratif cantonal, puis au Tribunal fédéral. Les deux cours ont soutenu la corporation.
Selon l’arrêté publié par le Tribunal fédéral le 30 janvier 2019, le soutien à «Adebar» par la corporation ecclésiastique est en conformité avec ses propres règlements. La cour a en outre jugé que les ressources alléguées à l’association n’étaient pas utilisées à des fins incompatibles avec les enseignements de l’Eglise. La question d’une «atteinte à la liberté de religion», un argument brandi par l’évêque de Coire Mgr Vitus Huonder, a été rejetée comme «sans objet».
La corporation ecclésiastique des Grisons s’est félicitée de cette décision. Au-delà de ce cas particulier, elle a souligné que les organes de droit ecclésiastique public étaient en droit de verser des contributions aux institutions sociales et caritatives correspondant à la mission de l’Eglise.
De son côté, le diocèse de Coire, par une prise de position signée du porte-parole Giuseppe Gracia, prend acte que le Tribunal fédéral soutient «la corporation ecclésiastique des Grisons créée par l’Etat». Le diocèse déplore qu’une corporation ecclésiastique puisse soutenir une association qui considère les avortements comme légitimes et délivre des conseils en ce sens.
Pour le diocèse, l’Église catholique doit donc s’attendre à ce que ses propres ressources financières soient utilisées «pour des activités sans lien avec l’Église ou hostiles à l’Église». L’évêché regrette ainsi que l’État puisse créer, avec les corporations ecclésiastiques, des entités juridiques qui suivent leur propre programme sans avoir à renoncer à se déclarer comme «catholiques». Le diocèse qualifie cet état de fait de «tromperie» et «d’utilisation abusive» du nom de l’Eglise. (cath.ch/kath/gs/rz)
Raphaël Zbinden
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