Directeur de l’Association de la presse protestante pour la province de Westphalie-Lippe à l’ouest de l’Allemagne, Bernd Becker rappelle à Laurence Villoz, de l’agence de presse Protestinfo, qu’en Allemagne, l’Eglise protestante s’est toujours impliquée dans la politique. L’EKD affirme qu’en tant que chrétien, il est crucial de se soucier de ce qui se passe dans la société. C’est ce qui fâche l’AfD, qui affirme qu’en tant qu’Eglise, l’EKD ferait mieux de se focaliser sur les services religieux plutôt que de s’intéresser à des questions politiques.
BB: Les membres de l’AfD peuvent évidemment venir au Kirchentag, mais le comité d’organisation de la manifestation a décidé d’exclure les représentants de ce parti des discours officiels. Par contre, des représentants d’autres partis politiques seront présents. Le comité a pris cette décision car il veut garantir un climat de discussions respectueux et sain, ce qui n’est pas possible avec l’AfD.
L’EKD et le comité du Kirchentag ont constaté une radicalisation de l’AfD depuis les années 2017-2018. En 2018, lors d’une manifestation, un homme de nationalité allemande a été piétiné par un soi-disant réfugié à Chemnitz, à l’est de l’Allemagne. En fait, personne ne sait vraiment ce qu’il s’est passé. L’AfD, cependant, a utilisé cet incident pour propager l’idée selon laquelle les réfugiés sont agressifs et dangereux, suscitant ainsi la haine. De plus, des groupes d’extrême droite et des néonazis ont rejoint les manifestations de l’AfD. A la suite de ces événements, le comité du Kirchentag a décidé d’exclure ce parti du rassemblement des protestants.
BB: Oui, il estime qu’il préserve les valeurs des chrétiens occidentaux. Quand l’AfD parle de ses valeurs, il se focalise notamment sur la famille traditionnelle, s’opposant au multiculturalisme et au dialogue interreligieux. De son côté, l’EKD affirme que les valeurs chrétiennes sont de s’aimer les uns les autres, d’aider les plus pauvres et non pas d’avoir des citoyens allemands blancs qui vivent comme il y a 100 ans.
BB: Actuellement, ce n’est pas vraiment réaliste, car pour pouvoir être représentée au gouvernement, l’AfD devrait s’allier à un autre parti. Pour l’instant, aucun parti ne souhaite cette alliance. L’AfD compte environ 12% des électeurs. Certains sondages parlent même de 20%, dans certaines régions.
Dans tous les cas, je crains que ce parti ne devienne un jour majoritaire. Cela aurait de lourdes conséquences dans plusieurs domaines. L’AfD veut changer beaucoup de choses, notamment les médias. Il s’oppose au service public de radio et télévision payé par tous. L’AfD veut également réduire l’impôt ecclésiastique, estimant que l’Eglise est trop riche, qu’elle a trop d’influence et qu’elle ne se focalise pas assez sur les valeurs traditionnelles. Ce parti souhaite aussi changer le système éducatif, promouvant le retour des mères à la maison.
BB: Je ne sais pas vraiment s’ils essaient activement de séduire des chrétiens, mais il y a de nombreux évangéliques qui partagent les valeurs de l’AfD. Cela se remarque en particulier sur internet. L’AfD et certains évangéliques se retrouvent sur plusieurs thématiques, notamment l’homophobie ainsi qu’une hostilité envers les musulmans et les réfugiés.
BB: Premièrement, pour certains chrétiens, l’évangélisation est cruciale. Ils ne voient donc pas d’un bon œil des personnes de religions différentes, en particulier les musulmans. Deuxièmement, je pense qu’une partie de la société est particulièrement conservatrice.
Ce n’est pas une question de religion, mais si ces personnes sont chrétiennes, elles utilisent des passages de la Bible, interprétés de façon littérale, pour justifier leur pensée. De plus, il n’y a pas de parti politique en Allemagne qui rassemble les chrétiens très conservateurs. Et à l’exception de certaines de ses idées vraiment extrémistes, l’AFD peut convenir à ces personnes.
BB: L’EKD ne donne plus de conseils de vote, mais elle a affirmé publiquement qu’en tant que chrétien, on ne peut pas voter pour un parti tel que l’AfD. Car le racisme, l’antisémitisme et l’homophobie ne sont pas en accord avec l’Evangile.
BB: L’Eglise protestante en Allemagne reconnaît qu’elle ne peut pas arrêter le processus de sécularisation et que son message ne touche plus vraiment la population. Elle remarque également que les jeunes et les enfants ne savent plus grand-chose du christianisme. Il y a encore quelques années, tous les enfants protestants faisaient leur confirmation, maintenant il y en a de moins en moins. Ce phénomène est plus visible dans les grandes villes.
En Allemagne, les chrétiens ont toujours été majoritaires, mais cela a changé depuis quelques années. L’Eglise se demande donc comment changer pour retrouver des fidèles. Actuellement, elle essaie différentes formes de communauté, comme les messy church et les fresh expressions, des démarches qui permettent de rencontrer les gens là où ils sont. A mon avis, ce n’est pas le nombre de membres qui est important, mais ce que l’Eglise fait pour la société. Accueillir des migrants, par exemple, est un moyen de promouvoir les valeurs de l’Evangile.
BB: Non, le nombre d’abonnés est en constant recul. «Unsere Kirche» a été créé en 1947. Dans les années 1950, ce journal comptait environ 150’000 abonnés. Après la Deuxième Guerre mondiale, tous les journaux d’Eglise ont eu énormément de succès. En 2018, pour la première fois depuis quinze ans, notre nombre d’abonnés a tout de même augmenté, notamment parce qu’on a créé une application pour smartphone et qu’on a étendu notre collaboration avec d’autres régions. (cath.ch/protestinfo/be)
Jacques Berset
Portail catholique suisse
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