«J’ai confiance, et même si le milieu catholique, qui portait la société, a disparu, il reste de nombreux jeunes qui ont des idéaux très élevés. Ils ont des valeurs», confie Mgr Büchel. Cath.ch l’a rencontré à l’occasion de la messe en mémoire du Père Werenfried van Straaten, fondateur de l’œuvre d’entraide catholique Aide à l’Eglise en Détresse (AED/ACN) à l’église des jésuites de Lucerne.
Avec sa voix douce et le large sourire qui éclaire son visage, l’évêque de Saint-Gall, vice-président de la Conférence des évêques suisses (CES) depuis le 1er janvier dernier, veut faire connaître le Christ à l’homme d’aujourd’hui. Il cherche à transmettre son message avec des mots que l’homme moderne peut saisir. Les dogmes, l’évêque ne les néglige pas, évidemment, mais le commun des mortels ne comprend pas forcément le langage théologique sophistiqué. Pour lui, il s’agit non pas seulement de prêcher l’Evangile en théorie, mais d’essayer de vivre ses valeurs au quotidien…
2019 est une année électorale au niveau fédéral. Un groupe de réflexion, «Eglise et Politique», emmené par Gerhard Pfister, président du PDC, aimerait que l’Eglise s’abstienne d’intervenir dans le champ politique et reste dans la sacristie…
Mgr Büchel: Je ne vais pas pointer une personnalité en particulier, mais je rappelle que le chrétien doit avoir le courage d’agir dans le sens de l’Evangile. Et l’Evangile a toujours une dimension politique. En Occident, en particulier, on déplore une privatisation de la foi, alors que la foi est communautaire.
Ainsi l’Eglise ne peut pas rester dans la sacristie et ignorer, par exemple, l’étranger, le pauvre, le migrant… Il n’y a qu’à voir le pape François: il n’accuse personne, mais ses interventions, en fidélité avec l’Evangile, ont sans conteste une dimension politique.
Que représente pour vous la figure du pape François ? S’il est très aimé au-delà des fidèles catholiques, il a également des ennemis ou des personnes très critiques à son égard au sein de l’Eglise…
Une partie de ceux qui le critiquent préféreraient qu’il en reste aux dogmes. Si, comme tous les évêques, le pape François se doit de défendre la doctrine, il a avant tout une approche pastorale. Il veut être aux côtés des gens, les accompagner sur le chemin afin qu’ils croient au Christ. On le voit dans les synodes, comme celui sur la famille: sa priorité est clairement pastorale. Je n’ai pas dit que le dogme n’est pas important pour le pape François, mais il préfère donner la priorité à ce que vivent les gens dans la pratique. Et il sait que les différences de cultures sont très grandes et qu’il faut en tenir compte.
C’est aussi mon approche: nous devons savoir où se trouvent les gens et les accompagner pour qu’ils s’approchent du Christ, pour que son message les atteigne. Il faut trouver le langage pour les hommes d’aujourd’hui. On voit bien que le rapport aux sacrements a beaucoup changé, avec la diminution des mariages religieux ou des baptêmes. Le milieu catholique, qui autrefois portait les fidèles, s’est effondré. Mais cela ne veut pas dire que la foi a complètement disparu. Elle est devenue plus individuelle. Alors il faut aussi des approches pastorales différenciées.
Je ne suis pas pessimiste, car je vois des jeunes qui ont de très beaux idéaux. Il faut trouver un langage pour les accompagner, le langage de l’homme contemporain.
La CES a connu bien des remous ces dernières années, comme la déclaration controversée de Mgr Vitus Huonder sur l’homosexualité ou la démission de Mgr Eleganti comme «évêque des jeunes»… Mgr Felix Gmür, nouveau président de la CES se donne comme principale mission de renforcer la cohésion au sein de l’Eglise en Suisse.
C’était aussi ma priorité quand j’étais président de la CES, durant la période 2013 – 2015. La Suisse connaît en effet de grandes différences culturelles aussi au plan ecclésial. Il faut en tenir compte dans la planification pastorale, par exemple, qui ne peut pas être uniforme au plan suisse, car d’une région à l’autre les structures sont différentes.
Pour prendre le seul diocèse de Coire, on doit tenir compte des trois aires linguistiques. Les cultures et les mentalités sont différentes entre populations alémaniques, italophones et rhéto-romanches. Les différences culturelles sont également grandes entre les diocèses alémaniques et ceux de Romandie et du Tessin.
Nous devons développer une culture du débat au sein de la CES. Ce n’est pas problématique, du moment que l’on reste dans la ligne de l’Eglise. On n’a pas besoin d’être toujours d’accord sur tout. Les évêques sont responsables pour leur diocèse et ils n’ont pas besoin d’être toujours sur la même longueur d’onde. JB
Né le 9 août 1949 à Rüthi, dans le Rheintal saint-gallois, Markus Büchel a étudié aux gymnases de Rheineck (St-Gall) et d’Einsiedeln (Schwyz), où il obtient sa maturité en 1970. Il fait ses études de théologie à Fribourg de 1970 à 1975, puis est ordonné prêtre en 1976. Il est ensuite nommé vicaire dans deux paroisses de la ville de St-Gall, puis curé à Flawil en 1988.
Chanoine et vicaire épiscopal en 1995, il devient, parmi d’autres charges, doyen du chapitre de la cathédrale en 1999. Elu le 4 juillet 2006 évêque du diocèse de St-Gall, ce choix est confirmé le 5 juillet 2006 par le pape Benoît XVI. Markus Büchel reçoit la consécration épiscopale le 17 septembre 2006.
Au sein de la Conférence des évêques suisses (CES), il est chargé du Département 1 (Foi, liturgie, formation, dialogue), avec notamment le dialogue interne à lʼEglise. Il a également la responsabilité des organisations catholiques et de l’apostolat des laïcs. Dans le Département 2 de la CES, il est président de la Pastorale, chargé notamment de la Pastorale du mariage et de la famille. Il est également responsable des organes de collaboration avec la RKZ. (cath.ch/be)
Jacques Berset
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