Le Vatican pas concerné par la question de l’exhumation de Franco

L’éventuelle exhumation de Francisco Franco, enterré dans le mausolée de la Valle de Los Caídos, «regarde sa famille, le gouvernement espagnol et l’Eglise locale», a déclaré Alessandro Gisotti, directeur ad interim du Bureau de presse du Saint-Siège, le 5 janvier 2019.

Selon le quotidien espagnol «El Pais», les plans du gouvernement de Madrid pour le transfert de la dépouille du défunt dictateur sont retardés depuis plusieurs mois par l’opposition du très controversé abbé Santiago Cantera Montenegro. L’attitude du prieur du monastère bénédictin, qui gère le mausolée où est enterré Franco, met en danger l’accord Eglise-Etat, selon le journal.

Un abbé controversé

Le gouvernement espagnol dit n’être pas surpris par l’attitude de Santiago Cantera car, «avant d’entrer dans l’ordre des bénédictins, il avait été candidat aux élections législatives de 1993 et européennes de 1994 pour le parti de la Phalange espagnole». Ce parti de tendance fasciste fut un des piliers du régime dictatorial de Franco.

La communauté des moines bénédictins de l’Abbaye de la Sainte-Croix de la Vallée de ceux qui sont tombés (Abadía de la Santa Cruz del Valle de Los Caídos), qui compte 23 membres, est profondément divisée. Il y a ceux qui soutiennent le prieur et ceux qui s’opposent à son intransigeance.

«La position de Santiago Cantera porte atteinte à l’image de l’Eglise», déplore un moine bénédictin de l’Abbaye, cité par le site www.eldiario.es. Il assure que le cardinal de Madrid, Carlos Osoro, et l’Abbé de Solesmes, le Français Philippe Dupont, qui est l’autorité supérieure de Cantera, ont déjà envoyé au Prieur de la Valle de Los Caídos des recommandations. Ils veulent éviter que le transfert de la dépouille de Franco ne devienne un problème semant la discorde dans des relations Eglise – Etat déjà difficiles.

Rome ne s’oppose pas au transfert de la dépouille

«Sur la translation des restes de Franco, je n’ai rien d’autre à dire par rapport à ce que le Saint-Siège a déjà affirmé», a soutenu le directeur ad interim du Bureau de presse du Saint-Siège. Le Vatican «ne s’oppose pas à l’exhumation de Francisco Franco si les autorités compétentes en ont décidé ainsi», avait déjà déclaré le 30 octobre dernier Greg Burke, alors à la direction du Bureau de presse. Concernant le lieu de sa nouvelle inhumation, le Saint-Siège appelait à un «dialogue avec la famille».

A la tête d’un pouvoir dictatorial en Espagne de 1938 à sa mort en 1975, Francisco Franco est inhumé dans la basilique de la Valle de los Caídos. Sont aussi enterrés des combattants de la guerre civile espagnole (1936-1939), qu’ils soient nationalistes – comme Franco – ou républicains. Ce sont des prisonniers républicains, travailleurs forcés, qui ont construit le monument.

Un vrai lieu de réconciliation

Arrivé au pouvoir en juin dernier, l’actuel gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sánchez veut déplacer la tombe de l’ancien dictateur, afin de faire de la Valle de los Caídos un vrai lieu de réconciliation. De leur côté, les autorités catholiques espagnoles ont déjà fait savoir qu’elles ne s’opposeraient pas à ce transfert, à l’inverse de la famille de Franco.

Face à cette opposition de la famille, le prieur du monastère bénédictin lié à la basilique et gérant celle-ci a refusé de donner son accord à l’exhumation. Parlant «d’obstruction», le gouvernement espagnol a exprimé son attention de saisir le Vatican pour faire pression sur le religieux. Par la déclaration d’Alessandro Gisotti, le Saint-Siège semble donc signifier qu’il ne se mêlera pas d’avantage de cette affaire.

Dépolitiser un monument cher à l’extrême-droite

La Loi sur la Mémoire Historique du gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero prévoyait de dépolitiser le monument où l’extrême-droite espagnole vient rendre hommage à son «caudillo», afin de le consacrer uniquement à sa vocation religieuse.  L’Espagne, dont près de 70% de la population se déclare catholique (un quart sans religion), a beaucoup changé depuis le Concordat de 1953, signé par le gouvernement franquiste en vertu des principes du «national-catholicisme». Le Concordat a été mis en adéquation avec la proclamation de la non confessionnalité de l’Etat dans la Constitution espagnole de 1978. Cette nouvelle réalité a été ratifiée par les accords entre l’Etat espagnol et le Saint-Siège de 1979. (cath.ch/imedia/elpais/be)

Jacques Berset

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