La question de l’évangélisation dans le monde contemporain est au centre du «Mission Manifest» (Manifeste de Mission – MM). L’initiative a été lancée en janvier 2018, lors d’une conférence à la «Maison de prière» d’Augsbourg, en Bavière, par un groupe de catholiques germanophones d’Allemagne, d’Autriche et de Suisse. Convaincus que leur pays d’origines sont devenus «des pays de mission», ils déclarent «souffrir de l’érosion de la foi».
Les dix thèses du «Manifeste» – publiées sous forme de livret intitulé «Mission Manifest. Die Thesen für das Comeback der Kirche» (Manifest pour la mission. Les thèses pour le retour de l’Église)- ont fait l’objet d’une journée d’études à l’Université de Fribourg le 12 décembre 2018. Mais le MM fait face à de nombreuses critiques. Son initiateur, Johannes Hartl, répond à quelques questions soulevées durant cette journée.
Le MM est accusé de mettre en avant une vision déficiente du monde contemporain, en le décrivant comme ayant besoin d’une mission…
Johannes Hartl: Tout le monde a besoin d’une mission. Il n’y a pas de personnes saines, seulement des personnes normales, brisées, pécheresses et en quête. La question que nous posons est plutôt la suivante: Pourquoi l’homme moderne devrait-il être exclu d’une annonce attrayante, qui invite avec chaleur et intellectuellement honnête, dans un monde de plus en plus confus?
Pour les voix critiques, il manquerait dans le MM la dimension politique du christianisme…
Nous croyons que les personnes qui suivent Jésus deviennent plus aimantes, plus tolérantes et miséricordieuses, mais aussi moins manipulables. Rien n’est plus favorable à l’État démocratique que de telles personnes qui, par cet esprit, contribuent au bien de la société. Cela sera également visible dans le domaine politique, mais je pense qu’il est illusoire d’espérer que tous ceux qui se réfèrent à Jésus parviendront aux mêmes opinions politiques sur tous les points.
Une autre voix critique a suggéré que l’on s’asseye à une même table avec des personnes de confessions différentes – y compris avec des non-croyants – pour discuter de comment le monde pourrait devenir plus juste. Cela est-il aussi pour vous une forme de mission?
Je dirais que il s’agit de bonne démocratie. Ceci n’a encore rien à voir avec la mission. La mission n’est pas seulement un effort d’amélioration du monde. Elle témoigne d’un salut qui nous parvient par la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ. Ce ne sont pas des mots en l’air, mais une annonce qui nous invite à la foi, à la conversion et à suivre le Christ.
«L’islam est assez actif en terme de mission dans le contexte germanophone»
Si les chrétiens doivent être missionnaires, les musulmans peuvent-ils aussi l’être?
Dans une société libre, chaque religion, chaque «Weltanschaung» peut promouvoir ses opinions. Cette promotion doit respecter, bien entendu, certaines règles de la démocratie libérale. À mon avis, elle ne doit pas être accordée à des groupes qui font publiquement de la publicité pour le terrorisme ou la violence. Mais par principe, la liberté de religion sans la permission de faire de la publicité pour ses propres croyances est une contradiction. Je note que l’islam est de toute façon assez actif en terme de mission dans le contexte germanophone. Les chrétiens sont souvent beaucoup plus hésitants.
Y a-t-il de encore de la place, dans votre «Manifeste», pour le doute et la recherche de Dieu?
On retrouve ces choses dans le cœur de chaque être humain. Le témoignage de foi ne serait pas authentique sans crises et luttes intérieures. Nous n’affirmons pas qu’il ne peut pas y avoir de place pour ces sentiments. Nous encourageons toutefois les personnes à parler de ce qui les soutient dans les temps de crise et de ce qui les aide à en sortir. Et si cela advient de façon authentique, c’est aussi une attitude missionnaire et contagieuse. Les ruptures, les échecs et les défis du cheminement n’y font pas obstacle, bien au contraire.
«Le témoignage de foi ne serait pas authentique sans crises et luttes intérieures»
Dans quelle mesure cette journée d’études a-t-elle fait progresser le discours autour de la nouvelle évangélisation?
Pour moi, la conférence a été un modèle de discussion amicale et constructive avec une recherche engagée. Pour résumer, je dirais: ainsi va la théologie et ainsi va l’Eglise. Nous avons besoin de plus de discussions de ce genre, de moins de réflexions cloisonnées ou d’étiquetage mutuel.
Qu’emportez-vous des voix critiques qui se sont manifestées vis-à-vis du MM?
J’ai une fois de plus pris conscience de la facilité avec laquelle les personnes se sentent dévalorisées lorsqu’elles sont critiquées sans nuance. Bien que je pense que le MM, avec sa critique, regarde fondamentalement dans la bonne direction, je peux bien comprendre que certains agents pastoraux aient l’impression que leurs années de fidèle engagement en ressortent dévalorisées. Ce n’est pas notre intention. Quand une telle impression peut surgir, je le regrette sincèrement.
Dans les dix thèses, vous parlez beaucoup de Jésus Christ. Qui est-il pour vous?
Jésus est vrai homme et vrai Dieu. C’est mon maître, mon Sauveur et mon ami. Je crois que les écrits du Nouveau Testament sont historiquement fiables et témoignent de Jésus de façon pertinente pour notre monde actuel. (cath.ch/dp)
«Mission Manifest», c’est quoi?
Le «Mission Manifest» (Manifeste de la Mission – MM) est une initiative privée de catholiques germanophones allemands, autrichiens et suisses qui déclarent «souffrir de l’érosion de la foi». L’initiative a été lancée en janvier 2018 lors d’une conférence à la «Maison de prière» d’Augsbourg, dans le sud de l’Allemagne. Convaincus que nos «pays d’origines sont devenus des pays de mission», les initiateurs appellant, à l’aide de dix thèses, à un «réveil missionnaire» au sein des mouvements et communautés chrétiens.
Un livre intitulé «Mission Manifest. Die Thesen für das Comeback der Kirche» (Mission Manifest. Les thèses pour le retour de l’Église) explique les thèses en question. Le MM est soutenu, entre autre, par le cardinal Rainer Maria Woelki, archevêque de Cologne, Mgr Alain de Raemy, évêque auxiliaire de Lausanne, Genève et Fribourg, Mgr Marian Eleganti, évêque auxiliaire de Coire et Mgr Urban Federer, Père-Abbé d’Einsiedeln.
Lors d’une journée d’études du «Studienzentrums für Glaube und Gesellschaft» (Centre d’études pour la foi et la société) de l’Université de Fribourg (12 décembre 2018), des représentants des Eglises, des Universités de Fribourg et de Graz (Autriche), ainsi que des initiateurs et des co-signataires du MM ont débattu sur la question de ce que la mission peut signifier aujourd’hui. DP
Raphaël Zbinden
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/les-personnes-qui-suivent-jesus-sont-moins-manipulables/