Les théologiens suisses du XXe siècle étaient à l’honneur pour la matinée du 29 novembre 2018. La figure du cardinal Charles Journet (1891-1975) a été présentée par l’abbé Jean Pascal Vacher, curé à Lausanne. L’abbé Journet, professeur au séminaire diocésain de Fribourg durant des décennies, fut un ami de l’écrivain et philosophe Jacques Maritain et du pape Paul VI qui le fera cardinal en 1965. Son œuvre majeure, l’Eglise du Verbe incarnée, a été une référence pour la théologie du milieu du XXe siècle et le Concile Vatican II.
A la fois contemplatif et théologien, Charles Journet utilisait volontiers la métaphore de la lumière pour parler de Dieu et de l’Eglise, a expliqué l’abbé Vacher. Pour lui, la lumière se définit comme l’intégralité de la splendeur de la beauté de Dieu qui s’épanche dans l’Eglise. La lumière divine se manifeste dans la présence (l’inhabitation) des personnes divines dans le cœur de l’homme. Dieu vient en nous comme un hôte. «Avec Dieu nous ne sommes jamais seuls», aimait à expliquer le cardinal. Mais pour le rencontrer, il faut établir le climat de silence nécessaire. Alors peut s’établir le dialogue d’un ami à son Ami. Comme le soleil se donne dans son rayon, la grâce se donne à l’homme.
Le cardinal Journet était dans ce sens un défenseur acharné de la sainteté de l’Eglise. «L’Eglise est sans péché mais pas sans pécheurs», répondait-il à ceux qui l’interpellaient sur ses vicissitudes. «Elle n’accepte pas la loi du péché mais le traque jusque dans les cœurs.» Une idée que le pape François a d’ailleurs réaffirmé récemment face à la crise des abus sexuels.
Autre figure de la théologie suisse du XXe siècle, l’abbé Maurice Zundel (1897-1975) est le représentant d’une orientation plus mystique a rappelé l’abbé Marc Donzé qui en est un des plus éminents spécialistes. Ecrivain, orateur, prédicateur, le prêtre neuchâtelois a toujours porté une attention au dialogue philosophique et théologique, y compris avec les penseurs athées. Sa théologie part de l’expérience humaine, elle débute par l’anthropologie.
Le registre de la lumière n’est pas son langage privilégié, admet Marc Donzé. Il y a néanmoins consacré quelques unes de ses réflexions. Pour lui, le premier chemin vers la lumière est celui de l’émerveillement. Compris non pas comme un simple étonnement, mais comme le travail de la personne qui cherche la beauté, la vérité, l’amour. Au bout de cette recherche, se dévoile la présence cachée de Dieu.
Pour Zundel, la découverte de la beauté dans l’art est une des voies vers la lumière. Lui-même l’a expérimenté à la chapelle des Médicis à Florence. Cela nécessite le silence, l’espace et la disponibilité pour la rencontre. On peut alors entrer en dialogue avec le mystère. «J’étais dehors, me voici dedans», explique Zundel en paraphrasant saint Augustin.
Le récit évangélique de la transfiguration du Christ dévoile la lumière de Dieu déjà présente, mais pas toujours visible. Pour un instant, les yeux des apôtres s’ouvrent. Ils découvrent enfin leur raison de vivre, explique Zundel. Pour le théologien, l’homme est appellé à devenir porteur de cette lumière. Dieu doit transparaître sur son visage. Il s’agit de se défaire de ses torsions et de ses contorsions pour aller à la rencontre de la lumière et chasser les ténèbres.
Une expérience que les participants ont pu vivre dans l’après-midi, à travers une visite de la cathédrale Saint Nicolas de Fribourg. Outre son architecture gothique lumineuse et son orgue grandiose la cathédrale présente un important cycle de vitraux du Polonais Jozef Mehoffer. Dans le style art nouveau du tournant du XXe siècle rutilant de formes et de couleurs, l’artiste ouvre une fenêtre vers la lumière. (cath.ch/mp)
Maurice Page
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