Pakistan: l’organisateur de la protestation contre l’acquittement d’Asia Bibi arrêté

La police pakistanaise a arrêté, le 24 novembre 2018, le responsable du parti radical islamique Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP). Il a organisé la violente manifestation qui a paralysé le pays au lendemain de l’acquittement d’Asia Bibi. Cette chrétienne condamnée à mort pour un blasphème présumé a été libérée et se trouve en lieu sûr.

Khadim Hussain Rizvi, chef du TLP, avait annoncé une nouvelle vague de manifestations le 25 novembre pour «rendre hommage aux martyrs de son parti», rapporte l’agende vaticane Fides. Il avait par ailleurs menacé publiquement et émis une fatwa – décision religieuse islamique – à l’encontre des magistrats de la Cour Suprême qui ont acquitté Asia Bibi.

«Faussement accusée»

«Maintenir l’ordre public dans le pays appartient à la responsabilité de l’Etat et nous ne permettrons à personne de le détruire», a déclaré le ministre de l’Information, Chaudry Fawad Hussain. «Asia Bibi a été faussement accusée. L’Etat est responsable de la sauvegarde de la vie de ses ressortissants. Le cas d’Asia Bibi n’aurait pas dû durer aussi longtemps. Il est du devoir de l’Etat de lui assurer une protection complète», a déclaré Saqib Nisar, président de la Cour suprême du Pakistan, qui a présidé le collège qui a acquitté la chrétienne le 31 octobre dernier.

Le haut magistrat s’est adressé en ces termes aux membres du Parlement britannique, au cours d’une récente visite à Londres. «Chaque cas judiciaire est un cas en soi. Il n’existe pas de cas de haut ou de bas profil. Au Pakistan, la réforme judiciaire a la plus grande urgence. Il faut adopter des mesures permettant de réduire les retards dans l’administration de la justice». Saqib Nisar a ajouté que «la corruption est l’un des problèmes majeurs».
L’examen du cas d’Asia Bibi par les tribunaux a été plusieurs fois retardé à cause des pressions exercées par les groupes militants islamiques. Les juges ont fait l’objet de menaces et certains d’entre eux ont refusé de fixer l’audience.

Indice de complot

Asia Bibi, acquittée le 31 octobre, se trouve actuellement au Pakistan en lieu sûr à la demande de la Cour Suprême. Sa remise en liberté a créé une situation de tension dans tout le pays. Signée par Saqib Nisar, la décision de la Cour décrète l’acquittement d’Asia Bibi, relevant comme motifs ayant porté à cette conclusion. Le fait que, si l’incident du présumé blasphème a eu lieu le 14 juin 2009, le premier dépôt de plainte a eu lieu le 19 juin. Ce retard, selon la jurisprudence pénale, constitue un indice de complot.

Nombreuses incohérences

Les deux femmes témoins oculaires du cas, lesquelles se sont disputées avec Asia Bibi, ont déclaré que cette dernière a exprimé ses observations blasphématoires à l’encontre de Mahomet en présence d’au moins 25 à 30 femmes. Aucune autre femme n’a cependant comparu devant le tribunal pour soutenir cette accusation.

Une femme ayant témoigné a déclaré lors de sa déposition que le litige ne portait pas sur une source d’eau potable. Elle l’avait affirmé dans d’autres dépositions. Il existe donc une claire contradiction.

Les témoins oculaires ont indiqué que 1000 personnes du village étaient présentes lors de l’assemblée tenue en présence des imams locaux pour incriminer Asia Bibi. D’autres parlent de 100 personnes, se référant à un autre lieu. Il existe donc des versions contrastantes y compris sur la durée de cette assemblée.

La Cour, relevant de nombreuses incohérences, a décidé qu’il «n’est pas possible d’affirmer au-delà de tout doute raisonnable, la culpabilité d’Asia Bibi», l’acquittant et ordonnant sa remise en liberté. (cath.ch/fides/bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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