France: en conflit avec Rome, des religieuses demandent à être relevées de leurs vœux

Les Petites Sœurs de Marie Mère du Rédempteur, en Mayenne, à l’ouest de la France, sont depuis deux ans en conflit avec le Vatican et l’évêque local. La quasi-totalité des membres de la congrégation d’orientation traditionaliste refusent de se «moderniser» et ont demandé à Rome d’être relevées de leurs vœux.

S’agit-il d’une nouvelle expression locale des tensions qui opposent, dans l’Eglise universelle, «progressistes» et «conservateurs»? C’est en tout cas ainsi que les Petites Sœurs de Marie, mère du Rédempteur, basées à Saint-Aignan-sur-Roë, au sud-ouest de la Mayenne, perçoivent ce qui leur arrive. «Il nous est reproché d’être trop traditionnelles, trop proches de l’esprit de notre fondatrice, Mère Marie de la Croix, «, explique à cath.ch Mère Marie de Saint Michel, supérieure générale de la congrégation. Les religieuses se sentent victimes d’un faux procès à leur égard, dans le conflit qui secoue le diocèse de Laval. Leur démarche d’opposition est arrivée début novembre 2018 à un extrême, puisque 34 des 39 membres de la congrégation ont demandé à Rome d’être relevées de leurs vœux.

Différend de gestion

Au départ de l’affaire, un différend de gestion entre l’évêché et la congrégation des Petites Sœurs de Marie. Celles-ci sont responsables de trois Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) de la région. Une union, en 2014, entre les trois institutions et une quatrième Ehpad, gérée par une autre congrégation, aurait été marquée par des conflits interpersonnels, rapporte le quotidien français La Croix du 14 novembre 2018. La quatrième Ehpad a finalement retrouvé son autonomie en 2016. S’en est suivie une montée des tensions entre les sœurs et Mgr Thierry Scherrer, évêque de Laval, lui-même favorable à la scission. Sur cette dispute est venue «se greffer», selon les termes de Mère Marie de Saint Michel, une visite canonique de la congrégation, en novembre 2016.

Problèmes de gouvernance?

Les conclusions de l’enquête ont été sévères, soulignant notamment des «problèmes de gouvernance» et un «manque d’ouverture» des religieuses. «Un rapport à charge, contenant de nombreuses exagérations et imprécisions, affirme la supérieure. Réalisé par des personnes qui ne sont pas au fait du charisme contemplatif». Selon Mère Marie de Michel, le document mettait principalement en avant un excès de temps de prière et un fonctionnement hiérarchique jugé autoritaire et par trop vertical. Il a essentiellement été demandé aux sœurs qu’elles adoptent la «nouvelle théologie de la vie consacrée», diffusée dans le sillage de Vatican II. Elle implique notamment des modes de fonctionnement plus participatifs. «Même si nous étions ouvertes à un assouplissement, nous ne pouvions pas accepter certains points qui allaient à l’encontre de notre charisme», commente la responsable de congrégation.

Selon elle, le principe de «réparation» observé par les Petites Sœurs de Marie, qui implique des pénitences tels que de se lever très tôt le matin ou de veiller, n’était pas non plus du goût des «enquêteurs».

Le conflit s’envenime donc entre l’évêque et les sœurs. En 2017, les deux protagonistes demandent à Rome de reprendre le dossier. Des commissaires apostoliques sont nommés en septembre 2017. Les religieuses ne reconnaissent cependant pas leur légitimité et posent un recours. Elles refusent pendant sept mois de leur ouvrir leur porte.

La Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique déplore un «refus obstiné d’obéissance».

Approchées par des groupes séparés de Rome

Une nouvelle visite canonique a lieu au printemps 2018. Le compte rendu apparaît moins sévère que celui de 2016. Les exigences de Rome demeurent cependant inchangées, ce qui provoque l’indignation des religieuses. Elles refusent en particulier d’accepter Sœur Geneviève Medevielle comme commissaire, en charge d’assurer temporairement la gouvernance de la congrégation.

La Congrégation pour la vie consacrée les prévient que si elles s’obstinent dans la désobéissance, elles s’exposent à être renvoyées à l’état laïc. Suite à un ultimatum du préfet, Mgr Joao Braz de Aviz, au 7 octobre 2018, les religieuses de Saint-Aignan-sur-Roë demandent elles-mêmes à Rome d’être relevées de leurs vœux. «Il s’agissait de prendre les devants, assure Mère Marie de Saint Michel. Nous ne pouvions pas aller contre notre conscience. Mais, pour l’instant, aucune d’entre nous ne sait exactement ce qu’elle va faire, précise Mère Marie de Saint Michel. Nous continuerons à faire partie de l’Eglise et garderons quoiqu’il en soit nos vœux dans nos cœurs».La supérieure admet que certaines sœurs ont été contactées par des groupes traditionalistes sortis du giron de Rome, avec des propositions pour les rejoindre.

Contacté par cath.ch, le diocèse de Laval s’est contenté de rappeler que l’affaire était à présent entre les mains des instances romaines. Ces dernières n’ont pas non plus répondu à nos sollicitations. (cath.ch/cx/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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