La Neue Zürcher Zeitung du 21 novembre 2018 titre sur «Le conflit entre le tourisme et la prière». Un conflit notoire qui existe dans la principale église de la ville de Zurich, le Grossmünster (à distinguer de la Fraumünster, fréquentée notamment pour les vitraux de Chagall). Le conflit est dû à la surfréquentation du lieu de culte, révèle une étude européenne sur les églises de 12 grandes villes européennes, baptisée Citykirchen und Tourismus.
Selon cette étude, sur les 580’000 visiteurs du Grossmünster de Zurich en 2017, 73% viennent de l’étranger et 16% de Zurich. Les églises situées au cœur des villes doivent donc s’adapter à ce nouveau type de fréquentation. Tourisme ou prière?, tel est le dilemme.
Le bâtiment et son histoire mouvementée sont les principales raisons qui incitent à la visite. A Zurich, le Grossmünster constitue un aimant touristique comme beaucoup d’églises de centres villes en Europe. Pendant la haute saison en août, plus de 2000 visiteurs y viennent quotidiennement. Car l’église représente à la fois un lieu de prière et un musée chargé d’histoire.
Un lieu de culte fréquenté peut-il réduire son accès et faire davantage de place à l’aspect spirituel?
En réponse à la NZZ, Christoph Sigrist, 55 ans, pasteur du Grossmünster, indique que ses tâches se sont multipliées: «Je ne me soucie plus uniquement des paroissiens proches de notre église, mais aussi des visiteurs de la ville et du canton. En outre, l’église joue un rôle important en tant que lieu emblématique de la ville», explique l’ecclésiastique.
Pour beaucoup, la visite d’une église dans un centre-ville fait partie intégrante d’un tour en ville. L’église fait donc le plein, non seulement le dimanche pour les offices, mais aussi en semaine. Le Grossmünster doit faire face à plusieurs défis concomitants. Par exemple, lorsqu’un mariage s’y déroule un samedi et qu’en outre 3000 personnes veulent visiter l’église.
Mais, se demande l’étude, quelles sont les motifs d’une visite au Grossmünster? Pour 59 % des visiteurs, c’est l’histoire de l’église qui les motive principalement et 23 % viennent pour l’atmosphère du lieu. Mais d’autres raisons, secondaires, guident ceux qui en franchissent le seuil: 25 % viennent au Grossmünster parce qu’ils sont religieux et 23 % parce que l’église est un lieu spirituel pour eux. Au total, 58 % des personnes interrogées ont indiqué au moins un motif religieux ou spirituel.
Pour le pasteur Sigrist, les visiteurs ne sont pas «seulement» des touristes. «Les visiteurs ont tous, d’une manière ou d’une autre, des affinités religieuses affinités «, indique-t-il à la NZZ.
Le Grossmünster a aussi joué un rôle central dans la vie politique de la ville de Zurich. Elle est célèbre comme étant l’un des principaux lieux de la réforme protestante, grâce à Ulrich Zwingli (1454-1531) et Heinrich Bullinger (1504-1575). Aujourd’hui encore, on y célèbre la Fête fédérale du 1er août en cas de pluie. Et en 2016, Christoph Sigrist y a accueilli le dalaï lama.
«L’église possède une dimension étatique, dit le pasteur. Il ne s’agit pas d’un changement d’usage, mais d’une extension qui existe depuis des siècles». Même les musulmans viennent au Grossmünster pour la prière du vendredi. L’équilibre «entre identité réformée et pluralité constitue le plus beau défi» de l’accueil au Grossmünster de Zurich.
Mais un lieu de culte fréquenté peut-il réduire son accès et faire davantage de place à l’aspect spirituel? Car l’entrée au Grossmünster est gratuite pour le moment. Faut-il prendre la même voie que la Fraumünster voisine, envahie par les visiteurs à cause des vitraux de Chagall? En demandant un prix d’entrée, leur nombre a diminué de moitié, ce qui a ramené un peu de paix dans l’église. Un exemple pour le Grossmünster? Une question ouverte. (cath.ch/nzz/bl)
Pierre Pistoletti
Portail catholique suisse
https://www.cath.ch/newsf/entre-tourisme-et-priere-le-grossmunster-de-zurich-sinterroge/