Le 12 septembre dernier, le Conseil des cardinaux avait annoncé que le pape François avait décidé de convoquer l’ensemble des présidents des conférences épiscopales du monde entier pour une réunion au Vatican du 21 au 24 février 2019 sur le thème de la protection des mineurs. Depuis, le Vatican était resté silencieux sur l’organisation de cette rencontre d’une forme jusqu’ici inédite.
En décidant de nommer Mgr Charles Scicluna comme secrétaire-adjoint de la Congrégation pour la doctrine de la foi, tout en le laissant à la tête de l’archevêché maltais, le Souverain pontife souligne l’importance qu’il accorde à cette rencontre. Expert des questions d’abus sexuels, le prélat devient en effet ›numéro 3’ du plus important dicastère de la Curie romaine, après la Secrétairerie d’Etat.
Mgr Scicluna est en effet ›l’homme des papes’ pour enquêter sur les abus sexuels. Ainsi, c’est lui que le cardinal Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et futur Benoît XVI, avait envoyé au Mexique le 2 avril 2005 – le jour de la mort de Jean Paul II – pour enquêter sur le Père Martial Maciel, le fondateur des Légionnaires du Christ. Treize ans plus tard, le pape François avait fait appel au prélat pour étudier la gestion des abus sexuels par l’épiscopat chilien.
Un mois avant sa nomination comme secrétaire adjoint de la Congrégation pour la doctrine de la foi, Mgr Scicluna, tout en se réjouissant alors de ne pas être impliqué dans la préparation de la rencontre de février, avait donné sa vision des objectifs de l’événement. Pour lui, cette convocation doit permettre de réaliser que les abus ne sont «pas un problème limité à une culture ou des régions du monde». De plus, avait-il noté, «dans certaines cultures la peur et la honte empêchent la révélation». Il est donc pour lui nécessaire de se renforcer pour révéler les abus.
L’annonce de la nomination à la Congrégation pour la doctrine de la foi de Mgr Scicluna, très réputé hors des cercles ecclésiaux et reconnu par les victimes, est arrivée à point nommé pour le Vatican. En effet, une nouvelle polémique venait d’éclater aux Etats-Unis: la Congrégation pour les évêques a demandé le 11 novembre aux évêques américains réunis en assemblée plénière de ne pas voter de nouvelles mesures concernant la gestion des abus sexuels et en particulier la responsabilité des évêques. En cause, des vérifications de conformité canoniques à effectuer. Mais surtout, le Saint-Siège demandait d’attendre la réunion de février.
Les évêques américains n’ont pas caché leur désarroi après cette requête du Vatican. En effet, l’adoption de ce programme devait être le signal d’actions concrètes de l’épiscopat américain, après la révélation de l’affaire McMarrick, du rapport de la justice pennsylvanienne et des accusations de Mgr Carlo Maria Viganò. Des affaires qui avaient remis en cause la crédibilité des évêques américains dans la lutte contre la pédophilie et les abus. Le cardinal Daniel DiNardo, président de la Conférence épiscopale américaine (USCCB), s’était ainsi publiquement dit «déçu» et avait expliqué avoir accepté devant l’insistance de Rome.
Mal accepté par les évêques, ce report a suscité l’incompréhension. «Le Vatican demande aux évêques américains de ne pas voter des mesures pour répondre aux abus sexuels», a ainsi titré le Washington Post. Le Boston Globe – journal à l’origine d’importantes révélations sur des abus au début des années 2000 – a pour sa part parlé d’une «occasion manquée» pour l’épiscopat américain. Très remontée, l’Irlandaise Marie Collins, ancienne membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs et elle-même victime dans sa jeunesse, s’est indignée sur Twitter: «des excuses, des excuses et encore plus d’excuses – plus personne n’est intéressé par des excuses. L’ACTION est nécessaire».
La nomination de Mgr Scicluna a permis de répondre à la déception des pasteurs diocésains américains, en envoyant un signal fort de l’attention accordée à la préparation de la rencontre de février. Ainsi, dans sa déclaration de clôture de l’assemblée de l’USCCB publiée le 14 novembre, le cardinal DiNardo a rappelé avoir ouvert cette assemblée avec «déception» avant de la conclure avec «espérance». «Je suis sûr que sous la conduite du pape François, a-t-il expliqué, la conversion que l’Eglise mondiale aura en février nous aidera à éradiquer le mal des abus sexuels». (cath.ch/imedia/xln/bh)
Bernard Hallet
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