Nuit de Cristal: David Allouch, survivant des camps nazis, témoigne à Lausanne

Le 8 novembre 2018, les communautés juives de Suisse ont commémoré les 80 ans de la «Nuit de Cristal», gigantesque pogrom annonciateur du génocide des juifs par les nazis commis dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938. A Lausanne, David Allouch, un survivant des camps, a transmis son témoignage à une quarantaine de jeunes.

A Lausanne, l’accent n’a pas été mis sur une grande cérémonie officielle, mais sur un témoignage à l’adresse des jeunes transmis par David Allouch, un survivant des camps nazis de Ravensbrück et de Bergen-Belsen, invité par la Communauté israélite de Lausanne et du canton de Vaud (CILV).

Une bonne quarantaine de jeunes de la région lausannoise – en majorité des juifs de 16 à 25 ans, mais également des membres de l’Amitié judéo-chrétienne – ont écouté, à l’oratoire Albert Amon du cimetière israélite de Prilly, le récit poignant de David Allouch. Ce Français, juif séfarade dont les parents venaient de Constantine, au nord-est de l’Algérie, n’était qu’un enfant quand toute sa famille a été arrêtée un jour de 1944 à Montégut-Lauragais, dans le département de la Haute-Garonne.

Arrêtés comme résistants

Agé aujourd’hui de 78 ans, David Allouch n’avait pas encore quatre ans quand la Gestapo a fait irruption dans la maison pour emmener ses parents et ses cinq autres frères et sœurs. «Nous n’avons pas été arrêtés comme juifs, mais parce que mon père et ma mère étaient dans la Résistance… Au commissariat, nous avons dû baisser nos pantalons, pour vérifier si nous étions circoncis. L’officier allemand a appelé un civil qui parlait arabe et qui a reconnu l’accent arabe algérien de mon père. Questionné si nous étions juifs, il lui a répondu: ‘nous sommes les mêmes’, ce qui a évité que nous soyons envoyés en déportation en tant juifs», ce qui a évité à la famille Allouch une mort certaine…

Emmenée à Toulouse, à la caserne Caffarelli transformée en prison, la famille sera déportée en Allemagne après deux mois. Elle sera séparée et ses membres internés dans divers camps de concentration: Buchenwald, Ravensbrück, Bergen-Belsen. David était le plus jeune de la fratrie, son frère Max, l’aîné, avait 20 ans. «J’ai eu le typhus à Bergen-Belsen, le camp était un vrai mouroir… Nous étions vêtus de haillons. Ils n’avaient plus le temps de brûler les morts dans les fours crématoires, ils disposaient les corps sur de grands bûchers. Mes frères et mes sœurs ont transporté des cadavres sur des charrettes. Par miracle, nous sommes tous revenus des camps! Mais aujourd’hui, il ne reste plus que moi, tous les autres sont morts».

Les souvenirs atroces remontent à la surface

Pendant longtemps, sa mère ne voulait pas évoquer cet épisode douloureux, «car on ne parlait pas du tout de cela à la maison». David ne se rappelait que ce que voulaient bien lui raconter sa mère et ses frères. «J’ai dû leur arracher les mots, ma mère voulait certainement me préserver, et elle n’abordait pas ces souvenirs, peut-être aussi par pudeur».

Mais depuis, les souvenirs précis des atrocités vécues enfant remontent à la surface. «Je fais des cauchemars, je crie, je gesticule, alors même ma voix change. J’en rêve plusieurs fois par année, parfois une fois par mois. C’est une empreinte, comme un fer rouge, cela revient toujours».

Plus jamais ça!

David Allouch, venu de Paris tout exprès pour la commémoration des 80 ans de la «Nuit de Cristal», confie à cath.ch qu’il n’a pas l’habitude de parler ainsi en public, mais qu’il l’a fait pour «transmettre» un message à la jeune génération, pour qu’elle n’oublie pas où peut mener la bestialité de certains. «Il ne faut jamais oublier à quoi peut conduire la haine de l’autre et tout faire pour que cela ne se reproduise plus jamais!»

L’émotion était forte parmi les jeunes et des larmes ont même coulé en entendant le témoignage du rescapé de Ravensbrück et de Bergen-Belsen.

L’homme se veut pourtant optimiste pour le futur: «Malgré tout ce que nous avons vécu, il y a encore un grand espoir dans l’humanité. Les jeunes, pour moi, c’est un réconfort, j’ai énormément confiance dans la jeunesse !» (cath.ch/be)

La «Nuit de Cristal», prélude à la shoah

Les synagogues de Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich ont toutes été éclairées exceptionnellement en souvenir de la «nuit des pogroms». A Genève, plus de 250 personnes ont assisté à une cérémonie commémorative au sein de la Grande Synagogue Beth Yaakov.

Durant la «Nuit de Cristal», rappelle la Fédération suisse des communautés israélites (FSCI), plus de 400 personnes périrent de mort violente et 30’000 autres, dont beaucoup d’enfants, furent arrêtées et déportées dans des camps de concentration. Des milliers de commerces et de logements appartenant à des juifs et plus de 400 synagogues et lieux de prière et de rassemblement furent saccagés. La «nuit des pogromes» marque le début de l’anéantissement systématique des juifs, le début de la shoah, le génocide des juifs d’Europe par les nazis. JB

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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