Georges Clemenceau le considérait comme «un pape boche», tandis que les Allemands le prénommaient le «pape français». Si l’impartialité de Benoît XV (1914-1922) n’a pas toujours été favorablement accueillie par les belligérants de la Première Guerre Mondiale, il n’en reste pas moins que ce pape diplomate en a fait un levier au service de ses projets humanitaires, alors que l’Europe était à feu et à sang.
Parmi lesquels, une coopération concrète entre le Saint-Siège et la Suisse, respectivement impartial et neutre face, durant la Première Guerre Mondiale.
L’idée vient de l’archevêque de Paris, explique l’historien Lorenzo Planzi, qui consacre un travail de recherche aux relations diplomatiques entre la Suisse et le Saint-Siège. Alors que Benoît XV cherche un lieu pour soigner les blessés des deux camps, le cardinal Léon-Adolphe Amette lui suggère de solliciter à cette fin la Suisse ou les Pays-Bas. Le pape jettera en premier lieu son dévolu sur la Suisse, berceau des Conventions de Genève (1864) auxquelles le Saint-Siège avait adhéré.
«Son interlocuteur privilégié sera le conseiller fédéral tessinois Giuseppe Motta», poursuit Lorenzo Planzi. Ensemble, les deux Etats mettront en place une coopération humanitaire d’envergure. Des hôpitaux et des centres d’accueil verront le jour dès 1916 à Leysin, à Montana, au bord du Lac des Quatre-Cantons ou à Davos. Des médecins suisses collaboreront avec leurs homologues français et allemands dans la prise en charge des blessés. Au total, 67’000 personnes des deux camps furent soignées en Suisse.»
La coopération a aussi permis le rapprochement des deux pays, en froid depuis le Kulturkampf, manifestation de la politique libérale visant à séparer l’Eglise de l’Etat.
«La deuxième moitié du XIXe siècle est une période de tensions, rappelle l’historien. Mgr Mermillod, alors vicaire apostolique à Genève, est chassé en France par le gouvernement libéral. A Bâle, Mgr Lachat est démis de ses fonctions et exilé à Lucerne. En 1873, le pape Pie IX dénonce le Kulturkampf allemand dans la ligne de Bismarck ainsi que les violences exercées par les Suisses contre le clergé catholique. En réaction, le Conseil fédéral rompt les relations diplomatiques avec le Saint-Siège et ferme la nonciature de Lucerne».
Ce n’est qu’en 1920 qu’un nonce apostolique retrouvera le chemin de la Suisse, à Berne cette fois-ci. Un fait qui n’aurait pas été possible aussi tôt sans la coopération entre le Saint-Siège et la Suisse durant le premier conflit mondial. Pour commémorer cet engagement humanitaire commun, Alain Berset remettra donc lundi au pape François un présent protocolaire évoquant la neutralité et la paix incarnées par le Vatican et la Suisse. (cath.ch/pp)
Le programme de la journée
Après avoir assisté à la cérémonie commémorant le centenaire de l’Armistice dimanche à Paris, le président de la Confédération se rendra à Rome le 11 novembre 2018 pour rencontrer le Saint-Père, cinq mois après la venue du pape à Genève (21 juin 2018). À l’ordre du jour, le dossier humanitaire et d’autres sujets internationaux, tel que l’objectif de rétablir la paix dans la péninsule coréenne. La question de la Garde suisse pontificale, avec le projet de construction d’une nouvelle caserne, sera aussi au menu. Le programme comprend en outre un entretien avec le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin et l’archevêque Paul R. Gallagher, ministre des affaires étrangères du Saint-Siège. Le président de la Confédération rencontrera des représentants de la Garde suisse. Alain Berset se rendra également à l’Istituto Svizzero di Roma (ISR). Celui-ci a pour mission de promouvoir la culture et les sciences de la Suisse en Italie, avec le concours de plusieurs services de l’administration fédérale.
Le pape en Suisse en 2019?
François pourrait retourner en Suisse en 2019 pour se rendre cette fois auprès des organisations internationales, avait affirmé Mgr Ivan Jurkovic, représentant permanent du Saint-Siège au siège des Nations unies à Genève, en juillet dernier.
Pierre Pistoletti
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