La scène royale se passe le 4 août 1918. Depuis quatre ans, l’Europe est déchirée par un interminable et sanglant conflit. A Londres, en l’église Ste-Margareth de Westminster, le roi George V et la reine Mary ainsi que des membres du Parlement se réunissent pour prier. Le roi a demandé que ce jour soit un jour national de prière. 100 jours plus tard, le 11 novembre, la guerre prenait fin.
Un siècle a passé. Et les dates des 4 août et 11 novembre ont été remises à l’honneur par un comité composé de communautés chrétiennes du Royaume-Uni. Sur le site Remembrance 100, l’objectif reste le même: prier et appeler à la réconciliation.
Lancée le 4 août 2018, la campagne prend fin ce 11 novembre, date anniversaire de l’Armistice. «Quand nous nous souvenons de 1918, nous réfléchissons à une période de grand espoir et de grande tristesse pour notre pays», écrit l’archevêque de Canterbury Justin Welby, sur le site Remembrance 100. Nous rappelons notre rôle dans les horreurs de la guerre et l’obscurité qui pousse l’humanité à la violence. Mais nous nous souvenons aussi de la promesse de paix».
Le conflit mondial engagea de nombreux pays européens. Plus de 10 millions de soldats sont morts au cours de la Première Guerre mondiale, dont une grande partie sur le sol français et belge. L’Allemagne, la Russie, la France et la Grande-Bretagne ont subi le plus grand nombre de pertes, chacune ayant perdu plus d’un million de soldats. D’autres pays sont restés neutres: les Pays-Bas, le Danemark, l’Espagne, la Suède et la Suisse.
Les Eglises des pays engagés dans le conflit se joignent aux commémorations de la fin de la guerre. De la Flandre en Belgique aux villages à travers la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, les cloches sonneront pour se souvenir.
Le 11 novembre, au Royaume-Uni, plus de 3’000 clochers d’églises sonneront au son des cloches à demi étouffées, comme une marche lente. En Belgique, toutes les églises sonneront en volée, à 11 heures, pour commémorer le centième anniversaire de l’Armistice. Les carillonneurs du pays sont également invités à jouer le même jour à 11h30.
«Personne n’est exclu du souvenir, car il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous…»
La ville belge de Mons a connu le début et la fin de la guerre. Dans la nuit du 10 au 11 novembre 1918, les troupes canadiennes et anglaises libèrent la ville, après plus de cinquante mois d’occupation. Le 9 novembre prochain, la cheffe du gouvernement britannique Teresa May fleurira les tombes de John Parr – premier soldat britannique tué en 1914 – et de George Ellison, le dernier qui a perdu la vie 90 minutes avant que l’Armistice ne prenne effet à 11h le 11 novembre 1918.
Des cloches sonneront, ce 11 novembre 2018, comme elles ont sonné l’Armistice le 11 novembre 1918. Et de nombreux carillonneurs se mettront au clavier pour prolonger cette sonnerie par un concert. En Belgique, le compositeur et carillonneur Geert d’Hollander a été chargé de créer une œuvre, qu’il intitulée Suite sacrée. Il s’est inspiré de mélodies grégoriennes, dont Da Pacem Domine. Il l’interprétera, ce 11 novembre, pour l’inauguration du Carillon de la Paix de l’Abbaye de Parc à Louvain.
La renaissance de ce carillon résonne justement comme un acte de fraternité entre les anciens adversaires. Car sa reconstruction a été rendue possible grâce à une coïncidence curieuse. L’archiviste municipal de Neuss, près de Düsseldorf (Allemagne), Jens Metzdorf, découvrit qu’en 1914, des soldats de sa ville avaient eu une lourde responsabilité dans l’incendie de Louvain, lors duquel le carillon a été détruit. Les deux cités de Louvain et de Neuss ont alors décidé de rebâtir le carillon pour en faire un monument de la paix.
La mélodie composée par Geert d’Hollander va également être jouée par d’autres carillonneurs, ce même 11 novembre 2018. En effet, la ville de Louvain a diffusé le morceau, demandant aux carillonneurs du monde entier de le jouer.
«Churches Together in Britain and Ireland» (Les Eglises réunies de Grande-Bretagne et d’Irlande) ont publié un livre électronique du pasteur Keith Clements, ancien secrétaire général de la Conférence des Eglises européennes, intitulé We will remember (Nous nous souviendrons). «Dans l’entendement chrétien, personne n’est à privilégier et personne n’est exclu du souvenir, car il n’y a qu’un seul Dieu et Père de tous…», écrit le pasteur Clements.
Ce denier relève l’exemple explicite de la «trêve de Noël» de 1914, lorsque des soldats britanniques et allemands se sont rencontrés dans le no man’s land, fraternisant et jouant au football ensemble. Cet exemple est le plus connu, pendant la guerre, où les ennemis se voyaient comme des êtres humains. Le grand public a découvert ces cas de fraternisation dans les tranchées grâce au film Joyeux Noël réalisé par Christian Carion, en 2005.
Pourtant, relève Keith Clements, «l’Armistice de novembre 1918 mit fin à la guerre, mais pas à la souffrance. Le traité de Versailles a posé les conditions de la paix, mais il a aussi jeté les bases d’un conflit futur», en référence aux exigences des Alliés qui firent, plus tard, le lit du nazisme en Allemagne (cath.ch/com/bl)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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