Il y avait foule au Centre paroissial l’Avenir, à Delémont, pour assister à la remise du prix d’encouragement au groupe ‘Amitié en humanité’. 5’000 francs ont été remis aux six initiateurs de ce groupement interreligieux, fondé peu après le printemps 2015, dans l’élan d’humanité généré par l’événement Charlie-Hebdo.
Des chaises ont dû être ajoutées dans la grande salle afin d’accueillir tout le monde. Représentant du Service migration de l’Eglise réformée Berne-Jura-Soleure, Mathias Tanner a rappelé, dans son mot de bienvenue, que ce prix récompensait des projets et initiatives autour d’un travail œcuménique prometteur, notamment dans le dialogue interreligieux, ou de l’intégration que le groupe jurassien a su démontrer à maintes occasions depuis sa création en 2015.
«Pour ‘Amitié en humanité’, les différences entre personnes de religions et de cultures diverses sont un enrichissement, a expliqué Mathias Tanner. Le groupe veut favoriser une cohabitation paisible, dans un canton multiconfessionnel et multiculturel, le Jura. Pour encourager la compréhension mutuelle, ‘Amitié en humanité ‘organise régulièrement des rencontres, des conférences, des pique-niques ou des repas qui rassemblent des dizaines de chrétiens et de musulmans à chaque rendez-vous». A l’entendre, l’engagement exemplaire d’’Amitié en humanité’ au service de la solidarité méritait largement cette récompense.
Après cette introduction, les allocutions se sont enchaînées. Chaque orateur a souligné l’élan de ce groupe œcuménique: «Ici, ce ne sont pas des Eglises qui discutent, mais des croyants», indique l’abbé Jean Jacques Theurillat, vicaire épiscopal pour le Jura pastoral, qui estime «que les chrétiens doivent tenir compte des autres religions et dialoguer avec».
«On vit une époque pas très réjouissante. L’essor du nationalisme et de la radicalisation ne favorise pas les échanges et pourtant, c’est ce qui est à l’origine d’Amitié en humanité», constate Jean-Philippe Schaer, membre du Conseil de la paroisse réformée de Delémont, qui ajoute: «Ce groupe est une étincelle, une lueur qui démontre que le vivre ensemble et le dialogue interreligieux est possible».
Pascal Gamperli regrette toutefois l’émotivité qui anime encore la population: «Il y a toujours de la méfiance et de l’incompréhension face à la communauté musulmane». Le porte-parole de la Fédération d’Organisations Islamiques de Suisse (FOIS), note que «le port du voile dérange lorsque l’on parle d’une enseignante ou d’une élue, mais ça ne choquait personne lorsqu’il s’agissait d’une femme de ménage».
Pascal Gamperli rappelle que la communauté musulmane helvétique compte environ 450’000 personnes dont environ un tiers de Suisses. «Il serait bon que la presse évoque aussi les événements heureux de l’intégration, à l’image de cette soirée, qui démontre que la communauté musulmane a aussi sa place en Suisse».
Déléguée à l’intégration des étrangers et à la lutte contre le racisme, Nicole Bart représentait également le gouvernement jurassien. «Notre canton compte environ 2000 musulmans, soit à peine 2,5% de la population du Jura. La constitution intègre la liberté de religion et le gouvernement veille à ce que cette valeur soit respectée, ce d’autant que les dérives discriminatoires sont en hausse». Dans son exposé, Nicole Bart à insisté sur la nécessité de favoriser le dialogue entre les communautés: «Je peux d’ores et déjà vous annoncer que la cinquième édition de la Croisée des migrants aura lieu les 23 et 24 mars 2019, à la Croisée des Loisirs, à Delémont».
«Vous ne vous êtes pas laissé envahir par la terreur et vous vous êtes engagés dans le dialogue. Aujourd’hui, le succès de votre magnifique initiative vous donne raison», s’est réjouit Pia Grossholz-Fahrni, qui a conjugué son discours sans lésiner sur les verbes élogieux. Avant de remettre le Prix, la Conseillère synodale des Eglises réformées de Berne-Jura-Fribourg a ajouté: «Vous avez choisi la voie du dialogue. Et le dialogue de la vie est le chemin le plus fructueux pour une vie harmonieuse, le vivre ensemble et la cohabitation dans une population multiculturelle. En vous remettant ce prix, j’espère que vos rêves deviennent réalité».
Membre du groupe, Alexandre Müller a évoqué la démarche qui a donné naissance, en mars 2015, au groupement Amitié en humanité: «Au début de l’année 2015, dans les jours qui ont suivi la tuerie à la réaction de Charlie-Hebdo, à Paris, j’ai été surpris par la condamnation de cet attentat formulée par l’ensemble des communautés musulmanes. Je me suis rendu à la mosquée de Delémont, là où se tenait une boulangerie lorsque j’étais gamin, et j’ai proposé une rencontre à l’imam, Mohammed Filali».
Avec beaucoup de modestie, les six membres du groupe Amitié en humanité, alignés sur l’estrade face aux 150 personnes présentes, se sont très brièvement présentés: Alexandre Müller, ingénieur à la retraite, le catholique à l’origine du groupe. Mohammed Filali, l’imam du Centre islamique Arrahman du Jura. Dominique Olgiati, protestante, médecin à la retraite. Margrit Kuenzli, agnostique, qui a foi dans la force des religions pour s’opposer au racisme. Hervé Farine, théologien catholique, assistant pastoral et formateur d’adultes. Muhammed Zejnullahu, ambassadeur militant pour le dialogue interreligieux. (cath.ch/pt/gr)
Grégory Roth
Portail catholique suisse
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