«Il faut peu de choses pour être prêtre: il faut croire en Jésus-Christ et l’aimer, aimer l’Evangile et, surtout, aimer les gens (…) C’est un beau métier, vous savez» confie dans un sourire Claude Ducarroz, dont le témoignage constitue le 332e Plans-Fixes. La première aura lieu mercredi 7 novembre 2018 à 18h30 au cinéma Rex de Fribourg.
Institution en Suisse romande, les Plans-Fixes remontent à 1977. Le concept est simple: les films sont réalisés en cinq plans fixes tournés sans reprises ni coupures, en un seul lieu et en une seule journée. Ils durent environ 50 minutes. L’entretien a lieu le plus souvent chez la personne sujet du film, en l’occurrence dans l’appartement du chanoine fribourgeois, à deux pas de la cathédrale Saint-Nicolas. Le dépouillement cinématographique sert la mise en valeur d’une parole que d’autres personnalité ont partagées avant lui: Joseph Zisyadis, Jean-Luc Bideau, Suzette Sandoz ou encore Mère Sofia.
Au fil d’une vingtaine de questions aussi concises que précises, Claude Ducarroz évoque en premier lieu sa famille – on le voyait instituteur et le Ciel en a décidé autrement. Pas de «révélation extraordinaire» mais la certitude, très vite, qu’il serait «heureux en faisant des heureux (…) Ma vocation est liée à ce désir d’aimer, de transmettre du bonheur autour de moi. On n’a jamais assez d’amour pour les autres.» S’il observe qu’il n’est pas le seul à le faire, «il y a des incroyants qui le font aussi, je n’ai donc pas le monopole de l’amour», il souligne dans une jolie formule qu’il va «à la pêche aux petites amours chez les gens. Et là, je peux vous le dire, il y a vraiment une bonne pêche!»
J’ai toujours préféré des espaces pour ma liberté aux comptoirs de l’autorité.
La question européenne s’invite elle aussi dans la discussion. L’Europe donne au chanoine une «espérance politique: un continent de paix. Ce que nous avons pu réaliser à partir du pire, sans être le meilleur, c’est déjà tellement mieux.» Toujours direct et sans tabou. Sur les sujets qui fâchent, il qualifie les affaires de pédophilie au sein de l’Eglise de scandale et éprouve une profonde tristesse en songeant aux victimes qui ont dû «traverser leurs vies avec ce poids, car on ne les écoutait pas.»
Il compte sur le pape François pour qu’il en aille dorénavant autrement. Quant au célibat des prêtres, célibat qui, en ce qui le concerne, lui convient, il estime que «notre Eglise perd le témoignage de prêtres qui seraient à la fois prêtres et mariés (…) J’ai voyagé dans les pays d’Orient où les prêtres mariés sont très nombreux dans l’Eglise orthodoxe mais également dans l’Eglise catholique.» Commentaire: «Je pense que, dans l’Eglise, il ne faut pas agir par soustraction, mais par addition.» Cette Eglise où d’aucuns l’auraient bien vu évêque. «On en a parlé, c’était assez flatteur mais j’ai toujours préféré des espaces pour ma liberté aux comptoirs de l’autorité.»
D’où lui vient cette parole forte, cet engagement de tous les instants? A la basilique Notre-Dame de Lausanne où, curé durant 15 ans, il priait avec Mère Teresa et a fait preuve d’une «compassion active» en faveur des toxicomanes et des réfugiés, n’hésitant pas à mener un combat politique. «On ne choisit pas ses pauvres», dit-il, lui qui, s’il n’avait pas opté pour la prêtrise, aurait pu embrasser la carrière de journaliste. Un journaliste «prend tous les matins la température du monde, il n’est pas lié à des structures de parti. C’est un homme libre.»
Cette parole forte, Claude Ducarroz la tient sans doute aussi de ses origines. Evoquant le souvenir de sa mère et de son enfance passée au sein d’une famille «enracinée dans la terre broyarde, mais capable de s’ouvrir», il remercie la terre qui «enracine», «les ailes qui permettent de s’envoler» et cette mère courage qu’il admire. Veuve à trente ans, avec deux petits enfants, elle nous a redonné un père, en secondes noces, en épousant le frère de mon père». Trois frères et sœurs ont suivi.
Tout Plans-Fixes connaît l’évocation de moments douloureux d’une intense émotion. Il en est de nombreux dans cet entretien filmé lorsque Claude Ducarroz, qui porte le prénom d’un frère décédé à l’âge de 14 mois, parle de la disparition, à 49 ans, de son frère Jacky et celle, il y a quelques mois, de sa sœur. «Dans ma famille, il y avait beaucoup de vie mais aussi la présence de la mort qui a beaucoup rôdé autour de nous. La mort? Je ne l’ai pas encore tout à fait apprivoisée. L’angoisse intérieure qui nous étreint nous aide à mesurer ce qu’apporte l’Evangile. Qui, pour l’essentiel, rappelle ce que le Christ a promis: là où Je suis, vous serez aussi avec moi. Et c’est après la mort.» (cath.ch/com/pp)
Pierre Pistoletti
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