Sorti en salles le 28 septembre 2018 le film provocateur du cinéaste Wojciech Smarzowski bat tous les records de fréquentation en Pologne. Il fait mieux que La Guerre des étoiles. Corruption, célibat des prêtres et pédophilie sont les trois thèmes abordés crûment dans Kler. Un évêque palpant les billets, circulant dans une Mercedes intérieur cuir avec chauffeur, un prêtre couchant avec une jeune femme, le troisième poursuivant des enfants, le tout copieusement arrosé de rasades de vodka. Tout ce qu’il y a de plus noir dans l’Eglise est décrit dans le film Kler.
Si l’Eglise officielle est restée pour l’heure dans une réserve prudente, les milieux gouvernementaux s’étranglent d’indignation. Le chef du bureau de la sécurité nationale estime qu’il s’agit «d’un film de propagande odieux tourné à la manière des nazis qui faisaient des films sur les juifs». Le site gouvernemental wPolityce.pl juge que ce film est «la preuve de la brutalisation d’une partie du milieu culturel et de la haine barbare d’une partie de l’establishment médiatique».
Jaroslav Kaczynski, chef du parti conservateur au pouvoir Droit et Justice, a déclaré que «chaque coup porté à l’Eglise est un coup porté contre la Pologne». Une association de journalistes catholiques a appelé au retrait de ce film profondément «anticlérical, anticatholique et antipolonais».
Néanmoins pour le journal de Varsovie Rzeczpospolita, Kler n’est pas une simple comédie grinçante, mais un «film sérieux et douloureux sur la réalité polonaise», où la tension monte sur le sujet toujours tabou des abus sexuels commis par le clergé. L’engouement du public s’explique par le ras-le-bol de nombreux Polonais, y compris croyants, face à la toute puissance de l’Eglise. Le film mettrait en lumière ce qu’une large partie de la population pense tout bas.
Les évêques polonais ont souligné à plusieurs reprises qu’ils ne toléraient aucune agression sexuelle. Comme leurs homologues d’autres pays, ils ont élaboré des directives en matière de prévention. Celles-ci sont «beaucoup plus restrictives que la loi polonaise actuelle», a déclaré à l’agence catholique allemande KNA le Père Adam Zak, commissaire à la protection de l’enfance. Le Centre catholique de protection de l’enfance, qui a ouvert ses portes en 2013 a déjà formé plus de 2’000 personnes. «Tolérance zéro pour la pédophilie – telle est l’attitude de toute l’Eglise en Pologne, clergé et laïcs», a indiqué le Père Zak.
La conférence des évêques devrait publier en novembre des chiffres à l’échelle nationale sur l’ampleur de la maltraitance des enfants par les représentants de l’Eglise. Mais les évêques polonais refusent toujours d’accorder des indemnités aux victimes d’abus au-delà de la prise en charge des coûts de thérapie.
La revue catholique libérale Tygodnik Powszechny s’est exprimée de manière critique sur le film. Mais l’Eglise pourrait certainement faire plus, dit le magazine. Ainsi par exemple, près de la moitié des diocèses ne mentionnent pas sur leur site web le numéro de téléphone à qui les victimes d’abus et leurs proches doivent s’adresser. Ce qui empêche les victimes de se présenter.
La même semaine que la sortie du film, la cour d’appel de Poznan a confirmé un jugement obligeant une congrégation religieuse à verser une indemnisation record pour les sévices sexuels infligés à une jeune fille par l’un de ses prêtres. La Société du Christ pour la pastorale des migrants doit verser à la victime une indemnité équivalente à 233’000 euros. Elle lui devra aussi une pension à vie de 190 euros par mois. Il s’agit de l’amende la plus élevée jamais infligée à une institution religieuse en Pologne. Le prêtre avait abusé de cette jeune fille, âgée alors de 13 ans, durant plus d’un an. A la fin 2017, il a été exclu de sa congrégation et renvoyé de l’état clérical. (cath.ch/ag/mp)
Maurice Page
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